Elles contribuent probablement à démontrer la pertinence de travailler collectivement, ici, sur les questions de sécurité, mais pas sur celles qui sont relatives à la sûreté. Le lien que vous établissez me semble pour le moins téléguidé.
Il y a certainement un véritable travail à mener sur la sécurité de nos installations nucléaires, et nous avions déposé un amendement en ce sens en commission, visant à circonscrire le champ de cette commission d'enquête aux questions de sécurité, mais il a malheureusement été rejeté. La commission d'enquête pourrait effectivement concentrer ses efforts sur le renforcement des dispositions pour lutter contre l'intrusion sur les sites nucléaires, particulièrement dans le contexte de menace terroriste que nous connaissons.
Il s'agit là de choix politiques. Les États-Unis considèrent ainsi leurs sites nucléaires comme des sites stratégiques de défense, avec pour conséquence une politique de défense de ces sites bien plus étoffée qu'en France où des militants écologistes parviennent à s'introduire au plus proche des installations avec, parfois, la bienveillance des autorités.
Oui, il y a ici un enjeu politique. Oui, nous pouvons interroger notre laxisme à l'égard de ces militants écologistes. Mais, noyée dans un champ d'enquête imprécis, cette question ne peut pas être sérieusement traitée. La confusion que nourrit cette proposition de résolution n'est pas à la hauteur des enjeux. Plutôt que de l'entretenir, nous devrions nous efforcer de la combattre, car elle est préjudiciable à l'ensemble des débats à venir sur notre politique énergétique.
Les défis que représente le réchauffement climatique pour notre pays – et plus généralement pour notre planète – nous obligent à faire preuve du plus grand réalisme possible. Au cours des prochaines années, nous devrons procéder à des choix de politique énergétique qui conditionneront notre avenir et celui de nos enfants. Ce défi est considérable. J'ai la conviction profonde que nous n'y apporterons des réponses pertinentes qu'à condition de faire preuve de réalisme et de pragmatisme. Notre politique énergétique, pour réussir, doit être cohérente.
Le débat que nous avons aujourd'hui ressortit en partie à ce défi. Saurons-nous procéder à des choix structurants, ancrés dans le réel et débarrassés de toute idéologie – laquelle pollue trop souvent nos échanges en matière de politique énergétique – ou resterons-nous bloqués dans des débats idéologiques, entêtés à ne pas voir la vérité ? Soyons exigeants ! Soyons réalistes ! Or cela suppose de poser correctement les termes de l'équation. À cet égard, j'estime que la présente proposition de résolution est contre-productive. Elle alimente en effet une confusion qui entretient à son tour, dans le débat public et au-delà, une méfiance accrue à l'égard de l'énergie nucléaire.
Permettez-moi, chers collègues, en tant que député d'une circonscription dans laquelle les conséquences du climat de méfiance à l'égard du parc nucléaire sont lourdes, d'accorder une certaine importance à la définition précise des termes du débat. L'Autorité de sûreté nucléaire convient que la centrale nucléaire de Fessenheim est l'une des plus sûres de France. Pourtant, sa fermeture est toujours prévue par le Gouvernement. Son rôle stratégique dans le maintien du réseau électrique alsacien, indispensable au développement d'une activité industrielle sur le territoire, est une évidence. Pourtant, elle fermera sitôt mis en réseau l'EPR de Flamanville.
La transition écologique engagée fera croître la consommation d'électricité dans notre pays, en raison notamment du développement des nouvelles mobilités électriques. L'énergie nucléaire, faiblement émettrice de CO2, doit donc s'inscrire dans un modèle fondé sur sa complémentarité avec les énergies renouvelables. Pourtant, l'État maintient – au moins fictivement – un objectif de réduction de la part du nucléaire dans notre mix électrique. Nos choix énergétiques méritent davantage de cohérence. Il y a là une exigence, tant le défi que représente le réchauffement climatique est grand.
Ce manque de précision révèle un rapport biaisé à l'énergie nucléaire caractérisant trop souvent le débat public sur le sujet. En effet, la fermeture de la centrale nucléaire de Fessenheim résulte non pas de critères rationnels et objectifs, mais bien de choix politiques procédant d'une idéologie déconnectée des réalités. Malheureusement, la présente proposition de résolution entretient ce biais.
Je le répète, car j'y crois sincèrement : face aux défis que représente le réchauffement climatique et à l'urgence de réduire nos émissions de gaz à effet de serre tout en continuant à porter une ambition industrielle pour notre pays, nous devons introduire une dose de rationalité dans tous nos débats relatifs aux orientations de politique énergétique. À cet égard, reporter après 2025 la réalisation de l'objectif de réduction à 50 % de la part de l'énergie nucléaire dans notre mix électrique constitue une première décision positive et raisonnable, qui toutefois remet à plus tard la résolution du fond du problème.
Le courage, en politique, consiste non pas à maintenir un objectif en se contentant d'en repousser l'échéance tout en sachant qu'il est hors de portée, mais à prendre acte de l'impossibilité et à choisir de renoncer à cet objectif, au profit d'un autre. Si un choix est mauvais, il le demeure, même reporté. Envisageons enfin avec lucidité notre parc nucléaire ; mesurons les investissements réalisés dans le cadre de la mise à jour des standards de sûreté consécutive à l'accident de Fukushima.
Pourquoi rester sourds aux analyses des responsables d'EDF, exploitant des centrales nucléaires – dont l'expertise doit bien entendu nourrir nos travaux – , selon lesquelles la logique économique et industrielle proscrit toute fermeture de centrale avant 2029 ? Je m'appuie ici sur une publication toute récente de notre exploitant de centrales nucléaires. Compte tenu de ces conclusions et de l'audition ce matin, par la commission du développement durable, de M. Archimbaud, vice-président de la commission nationale du débat public en prévision de la consultation nationale sur la programmation pluriannuelle de l'énergie, la fermeture de la centrale de Fessenheim semble de plus en plus procéder d'un enfumage des écologistes visant à faciliter l'adoption d'une nouvelle stratégie énergétique bien moins restrictive en matière d'énergie nucléaire que l'actuelle.
Cessons de vouloir absolument fermer des réacteurs en dépit de tout bon sens économique et social. Cessons de confondre sûreté et sécurité des installations nucléaires. Soyons précis.
En définitive, le texte proposé est dépourvu d'une véritable cohérence. Il nous invite – sans fixer de cap – à enquêter dans un champ bien trop large, aux contours flous, sans se préoccuper du respect rigoureux du règlement de notre assemblée. Nous serions assurément disposés à voter une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur ce sujet assortie d'un objectif précis et conforme au règlement. En l'espèce, ces exigences ne sont pas respectées.
Nous reprochons à la proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur la sûreté et la sécurité des installations nucléaires de n'être qu'un outil accordé par la majorité à sa composante écologiste afin de lui faire accepter l'annonce – imminente, à l'évidence – du report après 2025 de la réduction à 50 % de la part de l'énergie nucléaire dans notre mix électrique. Or rien de bon ne résulte de tels compromis. On ne peut pas créer une commission d'enquête dans le seul but de masquer à une partie de la majorité un virage de la politique énergétique qui semble traiter avec davantage de pragmatisme la place dévolue à l'énergie nucléaire dans la transition énergétique, ce dont je me réjouis.
Il est grand temps de débattre de l'énergie nucléaire avec lucidité et réalisme. Face aux confusions dont elle fait l'objet, un véritable travail en profondeur de la proposition de résolution est nécessaire. C'est pourquoi les membres du groupe Les Républicains vous invitent à adopter cette motion de renvoi en commission, chers collègues. Nous pourrons alors élaborer un texte servant l'intérêt général, aux contours clairs, permettant d'assurer l'efficacité des travaux à mener.