Monsieur le président, madame la rapporteure, mes chers collègues, la principale énergie produite et consommée en France est l'électricité d'origine nucléaire. Elle provient de 58 réacteurs répartis sur l'ensemble du territoire français. Cette puissance énergétique, développée sous la IVe République, est aujourd'hui confrontée à des défis sans précédent.
Ces défis interrogent directement la sûreté nucléaire, d'une part, et la sécurité nucléaire, d'autre part – deux notions clairement distinctes que beaucoup confondent tant elles s'entremêlent : la sûreté nucléaire concerne les mesures mises en oeuvre à toutes les étapes de la vie d'une centrale pour protéger la population et l'environnement contre d'éventuels risques radioactifs et radiologiques ; la sécurité nucléaire comprend toutes les actions visant à empêcher et à détecter les actes malveillants mettant en jeu les matières nucléaires ou les centrales elles-mêmes.
Quels sont les nombreux défis auxquels nous sommes confrontés ? D'abord, celui de la durée de vie des installations. Notre parc nucléaire est vieillissant – le président de l'ASN l'a affirmé devant la commission du développement durable. Puisque la plus grande partie de notre parc nucléaire a été construite il y a quarante ans, il nous faut aujourd'hui décider quelle attitude adopter face aux vieilles centrales. Le prolongement de l'autorisation d'exploitation des réacteurs, au-delà d'une durée de quarante ans – durée pour laquelle ils ont été conçus à l'origine – suscite nombre d'interrogations sur les plans technique et financier.
Parallèlement, la construction de nouvelles installations se heurte à de nombreuses difficultés. Les retards dans la construction des centrales de nouvelle génération sont, à cet égard, significatifs. Je pense notamment à l'anomalie détectée dans l'acier du fond et du couvercle de la cuve du réacteur EPR de Flamanville, d'autant qu'elle a également affecté d'autres matériels utilisés dans plusieurs centrales en activité.
Ces difficultés incitent à s'interroger sur la mise en oeuvre de la transition vers ces centrales de nouvelle génération. L'ASN s'est encore récemment montrée prudente sur le respect du calendrier qui prévoit l'entrée en service de l'EPR d'ici à la fin de l'année. Cette situation résume le deuxième défi auquel nous sommes confrontés : celui des malfaçons. Je fais notamment référence aux anomalies dans la composition de certains générateurs de vapeur l'année dernière qui étaient dues à des malfaçons provenant de l'usine Creusot Forge d'Areva.
Le troisième défi, et non des moindres, est – vous l'avez expliqué madame la rapporteure – celui des intrusions, qui se sont multipliées ces derniers mois, ainsi que des nombreux vols de drones au-dessus des centrales nucléaires. La médiatisation spectaculaire de certaines des intrusions – en particulier celles dont Greenpeace est à l'origine – , par exemple, n'est pas de nature à rassurer nos concitoyens. À l'automne dernier, ces intrusions ont mis en évidence l'existence de failles de sécurité dans les centrales de Cruas-Meysse et de Cattenom, ainsi que la vulnérabilité des piscines de refroidissement.
L'actualité récente a donné à ces intrusions un éclairage nouveau. C'est un sujet sur lequel il est facile d'attiser les peurs. Il est donc primordial de disposer de données claires et objectives.
Les installations nucléaires sont donc soumises à des défis nombreux. Le risque d'un incident provoqué par un défaut de maintenance ou une intrusion malveillante ne peut pas être écarté, avec les conséquences désastreuses que cela pourrait provoquer pour des millions de Français.
De ce fait, le groupe MODEM et apparentés accueille favorablement la proposition de création d'une commission d'enquête sur l'état de notre parc nucléaire, afin d'éclaircir les zones d'ombre et lever les doutes. Une commission d'enquête parlementaire bénéficie des garanties indispensables pour mener à bien cette mission stratégique. Elle garantit notamment la confidentialité des procédures, qui est essentiel compte tenu de la sensibilité du sujet.
Dans l'attente d'une véritable maturité des énergies renouvelables, la France ne peut encore se soustraire à l'énergie nucléaire. Le ministre d'État Nicolas Hulot l'a bien compris en revenant sur la fermeture de certaines centrales. Parce que les installations nucléaires sont appelées à durer, il est absolument nécessaire d'en étudier la sûreté et la sécurité.
Je tiens à remercier la rapporteure, Barbara Pompili, pour son initiative et l'assure du soutien du groupe MODEM et apparentés dans sa démarche.