On fait les choses à l'envers, les lois, ordinaire et organique, avant la réforme constitutionnelle. Et on oppose à nos amendements une objection de constitutionnalité alors qu'il aurait évidemment fallu procéder en sens inverse. On nous dit que l'examen en commission a duré dix-sept heures. Je le sais : j'y étais et ce n'était pas évident. Pour vous dire l'ambiance, voulant défendre un amendement, je me suis trompé et j'ai défendu l'amendement suivant ! Mais il était deux heures et demie du matin ! Je ne sais pas si ce sont de bonnes conditions pour travailler efficacement à amender un texte aussi ambitieux.
Au départ, il était question de « moralisation » – c'était, disons, le terme pour les médias – , puis le projet de loi initial a consacré l'expression « confiance dans la vie publique ». Le Sénat a préféré le terme de régulation, avant que l'Assemblée ne reprenne celui de confiance.
Le terme de moralisation a donc disparu et d'ailleurs vous nous avez dit, madame la ministre, qu'il ne s'agissait pas de moraliser. Je pense que les communicants sont passés par là : le mot a une connotation quelque peu négative. C'est faire de la morale, entrer dans la tête des gens, alors que la confiance, en voilà un beau programme !
Au sens strict du terme, la confiance renvoie à l'idée qu'on peut se fier à quelqu'un ou à quelque chose. Le verbe « confier », du latin confidere, de cum, « avec » et fidere « se fier », signifie en effet qu'on remet quelque chose de précieux à quelqu'un, en se fiant à lui et en s'abandonnant ainsi à sa bienveillance et à sa bonne foi.
Un gouvernement qui voudrait aujourd'hui prendre des mesures impopulaires doit impérativement paraître « propre sur lui » pour éviter de faire l'objet d'une défiance du peuple du fait de corruptions trop visibles et pouvoir continuer ses forfaitures sans être inquiété. Peu importe qu'il y ait des corrupteurs puisque ce sont des personnes privées : ce n'est pas l'objet du texte.
On nous dit : « Ayez confiance », ce qui serait ici une forme de soumission à une autorité bienveillante, là où nous aurions besoin de vertu, c'est-à-dire d'encadrement des actes concrets des individus et des collectifs dépositaires de l'autorité. Comme vous l'avez dit, madame la ministre, la confiance ne se décrète pas. Et pour cause : la confiance est plutôt une conséquence de la vertu qu'un préalable. Si vous voulez de la confiance, il faut donc réintroduire de la vertu républicaine, c'est-à-dire encadrer les comportements de sorte que la question première soit de savoir ce qui est bon pour tous, fût-ce au détriment de ses propres intérêts.
Si les représentants du peuple et son gouvernement s'attachent à être vertueux et à donner au peuple les moyens d'agir, on pourra alors entraîner le peuple tout entier à discerner ce qu'est l'intérêt général, ce qui est au fond notre raison d 'agir.
On nous parle de « vie publique » et non pas de « vie politique », vous l'aurez remarqué. C'est une grande ambition. Il faut faire attention à ne pas décevoir car le choc sera d'autant plus fort que l'attente est grande dans l'opinion, cela a été pointé à plusieurs reprises.
Vous nous raillez quand nous pointons du doigt l'argent roi, comme si c'était le fait de quelques énergumènes farfelus s'agitant dans leur coin d'hémicycle. Mais n'est-ce pas vous qui proposez une banque de la démocratie ou un médiateur du crédit ? Si l'argent n'est pas roi, quel est le problème ? Pourquoi cette proposition ? Son existence prouve bien qu'il y a une difficulté. On voit bien que l'argent est susceptible d'empêcher quelqu'un d'être candidat. Voilà le vrai problème.