Il n'y a pas de « pari de la confiance » ni de bla-bla libéral possibles, quand il est question de la santé et de la vie de plusieurs centaines de milliers de personnes. Il n'y a pas lieu de compter sur la bonne volonté ou la vertu supposées. Jamais les incitations ne seront suffisantes. Il faut prendre des mesures fortes.
La prévention ne se fera pas d'elle-même. Le Gouvernement ne peut plus se cacher derrière cet argument, au moment même où l'Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des maladies professionnelles est fortement menacé par une baisse drastique de son budget et de ses effectifs, et au moment où le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail – CHSCT – est supprimé, avec les ordonnances relatives au travail.
Notre proposition de loi se fonde sur les connaissances scientifiques accumulées ces quarante dernières années. Nous nous sommes nourris de plusieurs dizaines d'auditions organisées avec des professionnels de santé, des chercheurs, des syndicalistes, des inspecteurs du travail, des juristes, et même des parlementaires qui avaient déjà travaillé sur le sujet.
Notre proposition de loi consiste donc à introduire un nouveau tableau de maladies professionnelles dans le code de la sécurité sociale afin d'en rendre la reconnaissance automatique. Nous voulons créer une présomption d'imputabilité de la maladie professionnelle à l'organisation du travail au sein de l'entreprise et inverser la charge de la preuve : désormais, le salarié n'aura plus à suivre un parcours du combattant ; il incombera à l'entreprise de faire la démonstration que son environnement professionnel ne constituait pas un facteur de risque.
Pour les victimes, cela permettra d'obtenir une juste indemnisation et une reconnaissance favorisant leur rémission. En effet, elles perçoivent souvent leur épuisement professionnel comme une faiblesse individuelle, ce qui en est un facteur aggravant. Pour la collectivité, cela permettra un juste financement, car l'indemnité journalière des malades sera versée par la branche accidents du travail-maladies professionnelles de l'assurance maladie, financée par les cotisations patronales, et non la branche maladie.
Pour les entreprises, il y a là – enfin ! – une incitation réelle à renforcer la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles. En effet, leur taux de cotisation est calculé en fonction de leur degré de sinistralité, lui-même fonction du nombre d'accidents et de maladies professionnelles survenus en leur sein. Elles auront donc un véritable intérêt à prévenir l'apparition de l'épuisement professionnel. En vue d'éviter tout surcoût, un cycle vertueux s'engagera, car les directions seront amenées à lutter efficacement contre les risques professionnels et à adopter enfin une nouvelle organisation du travail.
Mes chers collègues, nos travaux ont été unanimement salués par les experts que nous avons auditionnés. Ils ont relevé le sérieux de notre proposition de loi, de son objectif comme de sa formulation. Je sais qu'une majorité des députés siégeant dans cet hémicycle sont sensibles à ce sujet. J'irai même plus loin : je pense qu'une majorité de députés siégeant dans cet hémicycle aurait pu porter cette proposition de loi, défendue en d'autres termes peut-être, mais défendue tout de même !