Intervention de Gilles Lurton

Séance en hémicycle du jeudi 1er février 2018 à 9h30
Reconnaissance comme maladies professionnelles des pathologies psychiques résultant de l'épuisement professionnel — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilles Lurton :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ce n'est pas la première fois que nous échangeons, au sein de notre commission, sur ces pathologies psychiques consécutives à un syndrome d'épuisement professionnel, plus communément appelé burn-out.

Le fait que nous soyons aujourd'hui conduits à revenir sur ce sujet à l'occasion de l'examen d'une proposition de loi que le groupe La France insoumise a choisi d'inscrire dans sa niche parlementaire, démontre, s'il le fallait, toute l'importance de ce sujet ; un sujet qui touche toutes les couches de notre société ; un sujet qui touche toutes les catégories professionnelles ; un sujet qui touche toutes les tranches d'âge et toutes les professions.

L'actualité s'en fait d'ailleurs régulièrement l'écho à travers les drames se produisant dans de nombreuses entreprises, qu'elles soient publiques ou privées, dans des domaines aussi variés que l'agriculture, qui continue de souffrir d'une très grave crise, les hôpitaux publics ou les établissements médico-sociaux. Cela illustre un très grand malaise, sur lequel j'ai appelé à plusieurs reprises l'attention de Mme la ministre des solidarités et de la santé.

C'est dire l'importance du sujet que nous traitons aujourd'hui : une maladie non reconnue comme maladie professionnelle. J'ai finalement compris, à la suite de nos discussions en commission, que ce n'était pas ce que vous nous proposiez aujourd'hui, monsieur le rapporteur. Pourtant, ce matin, sur une grande chaîne médiatique, M. Mélenchon titrait encore cette proposition comme « reconnaissance du burn-out comme maladie professionnelle ». Reconnaissez que tout cela n'est pas très clair !

Nous sommes donc d'accord : votre proposition vise bien à faire entrer dans le tableau des maladies professionnelles des régimes général et agricole de la Sécurité sociale les pathologies psychiques consécutives à un syndrome d'épuisement professionnel.

Oui, monsieur le rapporteur, je suis convaincu de l'importance de ce sujet. Oui, je suis convaincu qu'il nous faut encore y travailler pour trouver les meilleures solutions afin de mieux prendre en compte le burn-out dans notre système de protection sociale. C'est, pour ce qui me concerne, une réalité quotidienne. Mais je suis convaincu aussi que les solutions proposées ne répondent pas à un problème extrêmement complexe, tant il peut avoir des origines diverses, conjugaison d'une multitude d'origines et de facteurs déclencheurs. C'est ce que je souhaite essayer de vous démontrer.

Tout d'abord, monsieur le rapporteur, je trouve étonnant que, alors que vous reconnaissez que le syndrome d'épuisement professionnel et les pathologies psychiques en résultant touchent toutes les catégories d'actifs, quelle que soit leur position hiérarchique, vous affirmiez, en page 9 de votre rapport : « Ce rapport se concentre sur le monde salarié et ne rend pas compte des burn-outs chez les indépendants, artisans, commerçants, agriculteurs, petits patrons. » Je pense, pour ma part, que le travail sur cette maladie doit prendre en compte l'ensemble des actifs dans leur globalité, en recherchant tous les facteurs susceptibles d'éviter que la maladie ne survienne. Vaste combat, me direz-vous !

Des pistes ont pourtant été avancées en ce sens dans le rapport Censi-Sebaoun, qui méritent que nous les examinions. Sans être exhaustif, deux exemples pourraient être retenus, qui me paraissent, du moins partiellement, susceptibles d'éviter le burn-out. Je pense d'abord à l'amélioration de la formation des managers, qui doivent être sensibilisés et formés dès leurs études aux bonnes pratiques managériales. Une autre solution consisterait à améliorer la formation et l'information des instances représentatives du personnel et des médecins du travail ou, du moins, ce qu'il en reste. Plus les difficultés sont prises en amont, moins le risque est grand pour le travailleur.

Au lieu de cela, pour que le caractère professionnel de la maladie puisse être reconnu, vous nous proposez que le travail effectué entre dans la liste limitative des travaux susceptibles de provoquer la maladie, liste décrite dans votre article 1er. Yves Censi et Gérard Sebaoun, dans leur conclusion, en 2017, reconnaissaient la difficulté d'un tel processus. C'est effectivement oublier la diversité des origines de la maladie qui, la plupart du temps, est liée à un cumul de difficultés personnelles et professionnelles, même si je ne sous-estime pas l'importance des difficultés professionnelles dans la survenance de la maladie. En outre, à ce jour, aucun État, aucun organe scientifique n'a accepté d'intégrer les maladies psychiques dans le tableau des maladies professionnelles, parce qu'il est impossible d'établir objectivement un seuil de tolérance à un contexte de travail.

Oui, monsieur le rapporteur, la reconnaissance du harcèlement au travail est une mesure de justice pour la victime. Oui, la reconnaissance d'un comportement discriminant est une mesure de justice pour la victime. Mais la reconnaissance du burn-out et des pathologies qui en découlent est une mesure de santé publique ; la reconnaissance d'une maladie professionnelle est une démarche médicale et scientifique nécessitant des données quantifiables.

À votre proposition, nous préférons nous ranger au travail du rapport Censi-Sebaoun, qui propose d'expérimenter l'abaissement du taux minimal d'incapacité professionnelle permanente pour prétendre à une reconnaissance et de lancer un travail d'évaluation du coût social du burn-out actuellement supporté par la branche maladie.

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