Il est clair que si nous n'avons pas un tissu d'ETI industrielles comparable à celui des Italiens du Nord – sans parler de l'Allemagne –, c'est à cause de l'ISF, des complexités de la fiscalité de la transmission et d'une réglementation des fondations d'entreprise moins favorable. On ne pourra pas construire dans la durée des ETI familiales industrielles si on ne règle pas ces problèmes. La réforme de l'ISF est donc absolument fondamentale. Celle du « pacte Dutreil », à laquelle le Gouvernement s'est attelé, est potentiellement très importante également. Ensuite, un chantier reste ouvert en permanence, compte tenu de la culture française : celui du désencadrement de notre société qui, du point de vue des entreprises, est totalement surnormée par rapport à celles de nos voisins européens. Dans le cadre des binômes missionnés sur la loi « PACTE » (plan d'action pour la croissance et la transformation des entreprises), M. Le Maire a fait intervenir plusieurs entrepreneurs, parmi lesquels Éric Kayser – des boulangeries du même nom : en quinze ans, cet entrepreneur a subi 192 contrôles en France contre deux aux États-Unis et zéro au Japon, deux pays où il est également implanté. Ces chiffres résument bien la vie quotidienne des entrepreneurs français. Tant qu'on n'aura pas traité ce problème, les entrepreneurs auront les ailes rognées.
Les ETI et les PME sont fondamentales et il est effectivement absolument indispensable d'avoir dans l'économie française un vivier d'entrepreneurs conquérants, vainqueurs et leaders d'opinion qui renforcent leur marque employeur, et qui attirent nos jeunes et les convainquent qu'il n'y a pas que les grands groupes ou les cabinets de conseil américains. Aujourd'hui, la masse critique de ces entrepreneurs et leur poids dans le débat public restent insuffisants.
Y a-t-il une complémentarité entre Bpifrance, d'une part, l'APE et la Caisse des dépôts et consignations, d'autre part ? Les frontières sont très claires entre Bpifrance et la Caisse : nous sommes de facto sa branche « entreprises ». La Caisse est en train de bâtir une banque des territoires, c'est-à-dire une banque décentralisée dont la principale clientèle sera les élus et les patrons d'offices HLM, autour des questions d'infrastructures et de logement social. Quant à nous, nous sommes la banque des territoires pour les entrepreneurs. Les frontières sont tout aussi claires avec l'APE. Bpifrance est le fonds stratégique de marché et investit à ce titre dans quantité d'entreprises françaises sans lien avec des infrastructures souveraines. L'APE est, quant à elle, notre fonds stratégique souverain puisqu'elle investit dans des secteurs fondamentaux pour l'État – la SNCF, EDF, La Poste, les industries de défense et les mines. C'est d'ailleurs pourquoi nous avons repris Peugeot, qui relevait plutôt du volet stratégique de marché – et avec qui nos relations sont excellentes.
Nous investissons bien sûr dans l'éducation et allons d'ailleurs le faire de plus en plus. Il n'y a aucune raison de laisser des fonds de capital investissement américains, suisses ou brésiliens capter les possibilités de développement et la rente de nos très belles entreprises françaises. Nous avons donc investi dans l'INSEEC, IPESUP, les écoles de Condé, ou encore AD Éducation. Nous étudions en ce moment même un dossier d'investissement et d'autres viendront. Le problème, c'est que nous sommes minoritaires au capital de ces groupes et que nous n'avons pas encore trouvé le grand consolidateur français qui voudrait créer le Sodexo de l'éducation privée et se projeter dans le monde entier. Le jour où nous l'aurons trouvé, je peux vous dire que nous lui injecterons beaucoup de capitaux, que nous l'accompagnerons et que nous l'aiderons car il est essentiel, pour la spécialisation internationale de la France et pour attirer les jeunes du monde entier, d'avoir quelques très grands groupes d'éducation privés français.
Si nous faisons de la publicité, c'est d'abord pour entretenir la flamme. Nous avons mis le paquet en début d'année en faisant campagne sur le thème de la volonté car, je vous le disais dans mon introduction, c'est maintenant qu'il faut agir. Je dirais volontiers aux entrepreneurs : « surtout ne vous endormez pas pendant les deux années de l'âge d'or ! ».
Nous ne sommes pas vraiment les coordinateurs en région ; c'est plutôt le binôme entre Bpifrance et les services économiques de la région qui joue ce rôle.
Bien sûr, nous investissons beaucoup dans la transition énergétique, tant en crédits qu'en fonds propres. Nous avons un fonds dédié aux écotechnologies qui sera sans doute renfloué par le programme d'investissements d'avenir.
Il est vrai, monsieur Le Fur, que nous ne finançons que les entreprises. Le financement des particuliers est assuré par les banques privées et les réseaux d'accompagnement France Active et Initiative France qui accordent des prêts d'honneur. Nous sommes là pour garantir ces réseaux et les soutenir.
Que l'on épingle Bpifrance pour ses voitures de fonction est un signe d'incompréhension de notre mode de travail. Il nous coûte moins cher d'accorder des véhicules de fonction à des gens qui se déplacent en permanence et qui paient ces voitures à 40 % par prélèvement sur leur salaire – puisqu'ils les utilisent aussi le week-end – que de leur allouer des indemnités kilométriques pour usage de leur véhicule personnel. Je le répète, nous sommes une banque nomade. Un chargé d'affaires qui doit voir 120 à 130 clients par an est dans sa voiture toute l'année. J'ai hérité de cette politique – qui avait été celle d'Oséo, d'Avenir Entreprises puis de CDC Entreprises et du Fonds stratégique d'investissement – et n'en ai pas changé car je l'ai considérée comme pertinente. Honnêtement, cette politique n'est pas très coûteuse et il y a une grande différence entre une banque nomade et une banque de bureaux. Nos clients ne viennent pas dans les bureaux de Bpifrance car nous n'avons pas de guichets : nos directions régionales sont dans des appartements. Nous sommes donc toujours dehors.