Intervention de Didier Migaud

Séance en hémicycle du mercredi 7 février 2018 à 15h00
Dépôt du rapport annuel de la cour des comptes

Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes :

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les députés, si les juridictions financières – Cour et chambres régionales des comptes – publient de très nombreux rapports tout au long de l'année – soixante-deux en 2017 – , la présentation du rapport public annuel demeure un point culminant de leur calendrier. Il s'agit, en effet, à la fois de leur rapport d'activité et d'une véritable « radiographie » annuelle d'une partie de l'action publique. La diversité des exemples cités dans les deux premiers tomes permet de distinguer de façon objective les évolutions, progrès et réussites à l'oeuvre au sein d'un échantillon de politiques et d'organismes, mais aussi de cerner les risques à maîtriser et les efforts à engager ou à poursuivre pour en augmenter l'efficacité et l'efficience.

Nous avons souhaité qu'un accent particulier soit mis cette année sur le suivi de la mise en oeuvre de nos recommandations. Il apparaît que près de 73 % des 1 647 recommandations émises et suivies au cours des trois dernières années par la Cour ont été mises en oeuvre au moins partiellement. Pour les chambres régionales et territoriales des comptes, cette proportion s'élève à 79 %. Seules 24 % des recommandations de la Cour et 39,5 % de celles des chambres régionales ont été totalement appliquées.

Certaines parmi celles-ci ont entraîné des économies substantielles. Je me contenterai de citer l'exemple du programme budgétaire de l'État destiné au financement des majorations de rentes, c'est-à-dire des remboursements aux compagnies d'assurances et aux mutuelles de coûts liés à leurs obligations en matière d'indexation des rentes sur le coût de la vie. Constatant le caractère largement obsolète de ce dispositif qui date de 1948, la Cour en a recommandé la suppression dans un référé de 2017. Cette mesure, introduite dans la loi de finances pour 2018, entraînera des économies annuelles de l'ordre de 140 millions d'euros à partir de 2019 et de 1,8 milliard au total.

Les données relatives à l'utilisation de nos travaux révèlent que les juridictions financières participent au quotidien à la transformation de l'action publique et, en creux, que leurs travaux pourraient être encore bien davantage utilisés par le Gouvernement comme par le Parlement, étant entendu que nous ne confondons pas notre rôle avec celui des pouvoirs publics – Gouvernement, Parlement – , à qui il revient d'arbitrer entre les différents chemins d'amélioration que nous leur proposons, et de décider de leur mise en oeuvre. Le dernier mot doit toujours revenir aux représentants du suffrage universel.

Vous le savez, la Constitution place la Cour des comptes à équidistance des pouvoirs exécutif et législatif. Si les constituants successifs ont confirmé ce positionnement, c'est parce qu'il constitue, je le crois, un facteur déterminant du bon fonctionnement de notre vie démocratique. Avec notre statut juridictionnel, c'est ce positionnement qui assure notre indépendance vis-à-vis du Gouvernement comme du Parlement. C'est lui qui garantit – à vous ainsi qu'à nos concitoyens – l'impartialité de nos constats et le fait qu'aucun sujet, même sensible, ne sera laissé dans l'ombre. C'est ce positionnement aussi, et peut-être surtout, qui nous permet de servir le plus largement et utilement possible, en assistant avec une égale détermination tous ceux qui ont la charge, chacun dans leurs rôles respectifs, d'arbitrer et de décider, Gouvernement comme Parlement.

Souvent, par le passé, nos rapports ont donné lieu à des suites concrètes au Parlement. Ces exemples positifs peuvent se multiplier à l'avenir, comme vous l'avez rappelé, monsieur le président. De son côté, la Cour se tient prête à approfondir encore sa relation avec l'Assemblée nationale et le Sénat, pour ce qui concerne sa mission d'assistance au Parlement dans le contrôle de l'action du Gouvernement, ce qui peut se faire sans remettre en cause les autres aspects de sa mission générale d'assistance à l'ensemble des pouvoirs publics.

J'en viens à présent aux idées-forces qui traversent le rapport public annuel.

Premièrement, en matière de finances publiques, l'amélioration constatée ne sera durable qu'au prix d'un accroissement de la maîtrise des dépenses et de l'efficacité et l'efficience des politiques publiques. Deuxièmement, pour répondre toujours plus efficacement aux grands enjeux actuels, les juridictions financières appellent à concentrer les efforts, en clarifiant et ciblant parfois les objectifs de certaines politiques présentées dans le rapport. Troisièmement, pour réussir la mise en oeuvre des projets de modernisation et en tirer tout le bénéfice à long terme, la Cour et les chambres régionales des comptes s'attachent à mettre en lumière les conditions opérationnelles à réunir.

Le premier message concerne la situation de nos finances publiques, appréciée au regard des derniers éléments disponibles. En 2017, le déficit public devrait passer sous le seuil des 3 points de produit intérieur brut – PIB – , sous réserve notamment du traitement en comptabilité nationale du coût de l'invalidation, par le Conseil constitutionnel, de la taxe à 3 % sur les dividendes – traitement qui sera connu en mars prochain. Si la prévision du Gouvernement d'un déficit public à 2,9 points de PIB se vérifiait, cela devrait enfin permettre, après près de dix années, de sortir de la procédure de déficit excessif en 2018.

Ce résultat serait en grande partie obtenu grâce à l'amélioration de la conjoncture, qui a provoqué un important surcroît de recettes et, dans une moindre part, aux mesures de freinage de la dépense prises l'été dernier. Le tout aura permis de compenser la sous-estimation des dépenses de l'État mise en évidence par l'audit des finances publiques, que j'ai remis au Premier ministre en juin 2017. L'amélioration est donc réelle, et la Cour des comptes ne peut que la souligner et s'en réjouir.

Pour qu'elle devienne structurelle, donc durable, et qu'elle permette de respecter la trajectoire que vous avez adoptée, je veux toutefois souligner qu'aucun relâchement n'est possible. Même avec un déficit ramené sous la barre des 3 %, la France continue de présenter une situation financière plus dégradée que celle de la quasi-totalité de ses partenaires de la zone euro, avec un budget de l'État dont je veux rappeler qu'il a été continûment déficitaire depuis 1974.

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