Cette proposition de loi fait suite à deux décisions de justice récentes, la première ayant été rendue par la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) en mars 2017, la seconde par la Cour de cassation le 27 septembre dernier : dans le cadre de l'application du règlement « Dublin », on ne peut pas procéder à un placement en rétention en cas de risque non négligeable de fuite si cette notion n'est pas définie en droit national – précisons tout de même que la décision de la CJUE concernait la République tchèque, et non la France...
En conséquence, l'article 1er de la proposition de loi établit des critères permettant de caractériser un tel risque non négligeable de fuite. Le placement en rétention ne sera pas systématique pour autant, car les garanties prévues par notre droit, à savoir la prise en compte de la vulnérabilité de l'intéressé et la priorité donnée à l'assignation à résidence, s'appliqueront pleinement. En pratique, il s'agit de redonner aux préfectures les moyens d'appliquer les procédures de transfert, dont le nombre a considérablement chuté depuis l'arrêt de la Cour de cassation.
L'article 1er a été enrichi en première lecture à l'initiative de notre présidente et du groupe majoritaire. Deux conditions cumulatives devront ainsi être réunies afin de justifier le placement en rétention : d'une part, un risque non négligeable de fuite, examiné sur la base d'une évaluation individuelle de la situation qui devra prendre en compte la vulnérabilité de la personne concernée ; d'autre part, la proportionnalité de la mesure de rétention et l'impossibilité d'appliquer une assignation à résidence.
La proposition de loi permet aussi, comme le prévoit l'article 28 du règlement « Dublin », de placer en rétention un étranger dès le début de la procédure de détermination de l'État européen responsable de l'examen de la demande d'asile. Ainsi que le Conseil d'État l'a souligné dans un avis du mois de juillet dernier, cette possibilité n'a pas encore été introduite dans notre droit.
Par ailleurs, l'article 1er comporte une disposition adoptée en première lecture à l'initiative de notre collègue Coralie Dubost et du groupe La République en Marche afin de prendre en compte les besoins particuliers des étrangers en situation de vulnérabilité qui sont placés sous procédure « Dublin », ainsi qu'une autre disposition, adoptée à mon initiative, tendant à harmoniser le régime d'assignation à résidence des étrangers placés sous cette même procédure.
L'article 1er bis vise en particulier à exclure toute notification d'un placement en rétention administrative concomitamment à l'enregistrement de la demande d'asile.
L'article 2 procède ensuite à un certain nombre de coordinations.
Je tiens à remercier le rapporteur du texte au Sénat, François-Noël Buffet, d'avoir eu la double élégance de m'inviter à présenter cette proposition de loi et de solliciter mon avis. J'ai attiré son attention sur le fait que les amendements adoptés à l'initiative du groupe majoritaire et de la présidente de notre commission avaient permis d'atteindre un point d'équilibre et que, par conséquent, l'Assemblée nationale ne verrait pas d'un bon oeil la suppression de certains alinéas du texte. Le Sénat n'a rien fait de tel, mais il a procédé à quelques ajouts.
À l'article 1er, deux critères supplémentaires ont ainsi été introduits – le refus de se soumettre au relevé des empreintes digitales et la dissimulation du parcours migratoire –, ce qui ne me semble pas poser de problème.
Le Sénat a également porté de quatre à six jours la durée de la validité de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention qui permet d'effectuer des visites domiciliaires dans le cadre de l'assignation à résidence. Compte tenu des effectifs actuels, cela me paraît opportun.
Le délai de contestation d'une décision de transfert devant le juge administratif a, quant à lui, été ramené de quinze à sept jours. Nous aurions peut-être pu nous passer de cette évolution, mais les étrangers auront néanmoins la possibilité de déposer un recours.
Enfin, le Sénat a adopté un nouvel article – l'article 3 – dont l'objet est de sécuriser les assignations à résidence des étrangers faisant l'objet d'une interdiction judiciaire du territoire. Cette disposition fait suite à une question prioritaire de constitutionnalité jugée le 30 novembre dernier. Comme nous avons jusqu'au 30 juin pour remédier à la censure prononcée par le Conseil constitutionnel, le Sénat a proposé d'utiliser cette proposition de loi comme support juridique.
Je vous propose, mes chers collègues, un vote conforme. Les préfectures et les services de l'État ont besoin de ce texte : plus vite nous l'adopterons, plus vite nous leur permettrons de revenir à la situation juridique qu'ils connaissaient avant la décision de la CJUE. Je serai donc conduit à donner un avis défavorable à l'ensemble des amendements, quelle que soit leur qualité.