Intervention de Erwan Balanant

Réunion du mercredi 7 février 2018 à 9h40
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaErwan Balanant :

Permettez-moi tout d'abord de donner un bref aperçu du contexte. En vertu de l'article 28 du Règlement européen 6042013 dit « Dublin III », les États membres peuvent placer des personnes en rétention administrative lorsqu'il existe un risque non négligeable de fuite à l'étranger, à condition que le placement en rétention soit proportionnel et que d'autres mesures moins coercitives ne puissent pas être effectivement appliquées. Par un arrêt du 15 mars 2017, la Cour de justice de l'Union européenne a interprété le règlement en considérant qu'il « impose aux États membres de fixer, dans une disposition contraignante de portée générale, les critères objectifs sur lesquels sont fondées les raisons de craindre la fuite du demandeur ». Les éléments susceptibles de constituer un risque non négligeable de fuite doivent donc être clairement définis par la loi.

Cet amendement vise à supprimer la précision ajoutée par le Sénat – « , de son parcours migratoire, de sa situation familiale ou de ses demandes antérieures d'asile » – qui, à mon sens, détruit l'équilibre que nous avions trouvé en première lecture. Elle présente en effet deux séries d'obstacles.

Les premiers sont d'ordre juridique. La dissimulation par un étranger des éléments relatifs à son parcours migratoire, à sa situation familiale ou à ses demandes d'asile antérieures est un critère flou, et que des magistrats pourront juger comme tel, parce qu'il ne permet pas d'identifier concrètement les informations qui doivent être relevées. Comment délimiter le périmètre des informations relatives au parcours migratoire ou à la situation familiale ? Ce critère est énoncé de manière beaucoup trop imprécise pour qu'il respecte l'exigence imposée par la Cour de justice de l'Union européenne dans l'arrêt précité, selon lequel les États membres doivent fixer clairement les critères sur lesquels se fonde le risque non négligeable de fuite.

Deuxième série d'obstacles : ils sont plutôt d'ordre social et humain. L'ajout du Sénat ne prend aucunement en compte l'état de détresse psychologique des étrangers qui relèvent de la procédure « Dublin ». La peur, la méconnaissance de la procédure, le choc psychologique du trajet qu'ont pu effectuer les migrants peuvent conduire à ne pas relever certaines informations, non pas par dissimulation mais par omission. Cela n'est pas clairement défini dans le texte du Sénat. Or, la difficulté de se confier ne doit pas systématiquement être assimilée à une dissimulation d'informations ou à une menace de fuite.

En clair, l'ajout du Sénat n'est pas du tout pertinent. Je le répète résolument : il dénature l'équilibre que nous avions trouvé dans le texte initial. Chers collègues du groupe REM, vous allez détruire l'essence même du travail que nous avons effectué en première lecture. En outre, la dissimulation d'éléments d'identité est déjà susceptible de caractériser le risque non négligeable de fuite ; il n'est nullement utile d'aller plus loin.

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