Intervention de Manuel Valls

Réunion du mercredi 7 février 2018 à 9h40
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaManuel Valls :

En matière de délais, il faut toujours faire preuve du plus grand pragmatisme : tenir compte tout à la fois des droits fondamentaux des personnes, des règles conventionnelles et de la réalité. Dans ce texte comme dans le prochain, nous devons rester le plus proche possible de la réalité que les élus et les associations peuvent constater et que les agents de l'État sont amenés à traiter. Pour ma part, je ne suis pas gêné par ce que vous avez proposé, même s'il faut être vigilant et s'il est toujours possible d'améliorer un dispositif.

À mon amie Marietta Karamanli, je rappellerais que le règlement « Dublin » n'est pas absurde. Il dysfonctionne parce qu'il a été adopté à un moment où nous n'affrontions pas les mêmes défis migratoires. Nous allons renégocier les accords de Dublin, comme le Président de la République s'y est engagé. Marietta Karamanli, une Européenne convaincue, verra alors que ses anathèmes sur les dérives droitières et ses appels à la prise de conscience se heurteront à de nombreux problèmes. Nous n'allons pas négocier avec le seul parti socialiste. Nous allons négocier avec vingt-sept ou vingt-huit États, avec des gouvernements qui ne sont pas tous progressistes et favorables aux idées de Mme Karamanli. Ça va être très compliqué avec la Pologne et la Hongrie mais aussi avec d'autres pays. Je ne suis pas sûr que nous pourrons améliorer le règlement dans le sens où nous l'entendons. Nous devons être extrêmement prudents, à un moment où nous observons un raidissement un peu partout dans le monde. L'accord de coalition, qui vient d'être signé et annoncé en Allemagne, tient compte aussi d'expériences vécues ces dernières années par nos voisins.

S'agissant de l'appel à la conscience de chacun, je me permets de rappeler, moi qui viens du vieux monde, que gouverner est difficile, notamment en matière d'asile. Aucun de nous n'est insensible à ce que vivent les migrants, les réfugiés, qu'ils soient ou non demandeurs d'asile. Nous ne sommes pas insensibles à ce qu'ils ont vécu, alors qu'ils viennent de Syrie ou qu'ils ont traversé le désert de Libye et la Méditerranée dans des conditions épouvantables. Nous sommes à l'écoute de l'ensemble des parties : associations, organisations non gouvernementales (ONG), policiers et gendarmes. Mais ce qu'on nous demande c'est d'être pragmatiques, d'appliquer des politiques publiques qui tiennent compte de la tradition française tout en étant efficaces.

Depuis des années, nous ne sommes pas efficaces en matière de reconduites à la frontière – je prends ma part de responsabilité dans cet échec, comme tout le monde. Dans ces conditions, c'est le droit d'asile qui est mis en cause. Dans ces conditions, nos compatriotes remettent en cause – à juste titre – l'efficacité de l'action publique d'une manière générale. Ce n'est donc pas un problème de conscience. C'est un problème d'efficacité.

Dans une démocratie comme la nôtre, ce qui a été fait depuis des années, par des gouvernements différents et sous le contrôle du juge constitutionnel, n'a jamais appelé un problème de conscience. C'est un problème d'efficacité, d'opinions politiques et trop souvent de postures. Ce que nous avons essayé de faire dans le passé et ce que nous essayons de faire à présent, c'est de sortir des postures faciles. Quand on parle à des policiers qui ont eu à gérer les récents affrontements entre migrants d'origines différentes, ce n'est pas pour prendre une posture. C'est pour soulever un problème d'efficacité et de responsabilité. C'est l'honneur de cette majorité d'être à la fois humaine, efficace et responsable. Ce que fait le rapporteur Warsmann, qui ne vient pas de nos rangs politiques, c'est la même chose. C'est comme ça que l'on doit avancer sur ce sujet comme sur bien d'autres.

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