Madame la présidente, mes chers collègues, notre commission est de nouveau saisie, en deuxième lecture, du projet de loi de ratification de l'ordonnance du 10 février 2016, relative au droit des contrats.
À l'issue de la deuxième lecture au Sénat, neuf articles demeurent en discussion. En effet, le Sénat s'est rallié à l'appréciation de l'Assemblée nationale sur plusieurs aspects : le délai de réponse à l'action interrogatoire menée dans le cadre du pacte de préférence ou de la représentation ; le champ de la réticence dolosive et les règles relatives à l'appréciation de la qualité de la prestation.
Pourtant, le Sénat n'a pas adopté le texte conforme. Nos collègues sénateurs ont en effet rétabli sur certains points le texte qu'ils avaient adopté en première lecture ou ont proposé une nouvelle rédaction de plusieurs articles du projet de loi.
Pour cinq d'entre eux, je proposerai de nous accorder avec le texte tel qu'issu de la deuxième lecture au Sénat.
Tout d'abord, je relève que les sénateurs ont, à l'article 2, sur proposition du Gouvernement, réformé la définition du contrat d'adhésion que nous avions adoptée. Cependant, en définissant désormais le contrat d'adhésion comme celui comportant « un ensemble de clauses non négociables déterminées à l'avance par l'une des parties », le Sénat a conservé les deux critères d'identification : la non-négociabilité et la prédétermination unilatérale. Mais surtout, les sénateurs ont consacré la principale innovation que nous avions apportée, c'est-à-dire l'exigence d'un « ensemble de clauses » non négociables, et non de quelques clauses isolées. En cela, le Sénat restreint sa définition du contrat d'adhésion. Dès lors, cela revient à retenir une définition quasi identique à la nôtre.
La conséquence est donc la suppression de la référence aux conditions générales – et donc de l'article 3 bis que nous avions utilisé – et le retrait de l'assertion selon laquelle l'ensemble contractuel devrait s'appliquer « à une multitude de contrats ou de personnes ». Ce dernier point se justifie par le fait qu'il aurait eu pour conséquence de limiter les contrats d'adhésion aux seuls contrats de masse. La restriction était alors trop sévère.
Faisant mienne les préoccupations de la doctrine et du Sénat, je vous propose donc de valider cette nouvelle définition qui conserve les éléments essentiels que nous avions adoptés.
Pour ce qui concerne l'abus de dépendance visé à l'article 5 du projet de loi, le Sénat a accepté de se rallier à l'avis de l'Assemblée nationale en supprimant la restriction à la dimension économique qu'il avait introduite. Il a toutefois précisé que l'état de dépendance d'une partie au contrat s'entendait à l'égard de son cocontractant, c'est-à-dire dans le cadre expressément défini du contrat entre les deux parties. Cette précision ne me semble pas contraire à l'esprit de la réforme et ne vient ici qu'en complément. Aussi je vous propose de valider ce point.
S'agissant du mécanisme de réduction du prix en cas d'exécution imparfaite d'une prestation inscrit à l'article 9 de notre texte, le Sénat a supprimé la précision selon laquelle l'acceptation par le débiteur de l'offre de réduction du prix mettait fin à toute contestation, condamnant l'effet prescriptif de la disposition. Il apparaît en effet que, dans quelques cas, priver le débiteur de tout recours judiciaire pourrait se révéler excessif si celui-ci se voyait contraint, compte tenu, par exemple, de difficultés financières importantes, d'accepter une réduction du prix abusive. Aussi, je vous propose, sous réserve de l'adoption d'un amendement rédactionnel que je vais soumettre à votre approbation, de suivre le Sénat sur ce point.
Enfin, le Sénat a, à l'initiative du Gouvernement, circonscrit les possibilités de paiements en devises, à l'article 13, aux opérations à caractère international, aux jugements étrangers, aux produits dérivés et lorsque les parties en conviennent à condition qu'il s'agisse de professionnels et que l'usage de la devise soit communément admis pour l'opération concernée. La rédaction de cet article avait fait l'objet de discussions entre nous en première lecture et la rédaction trouvée est, à mon sens, susceptible de convenir à chacun. Dès lors, je vous propose de ne pas revenir sur ce point.
En revanche, plusieurs aspects du texte qui nous revient ne me semblent pas acceptables. Il s'agit des articles 4, 7 et 8 ainsi que, pour diverses coordinations, l'article 15.
À l'article 4, le Sénat a en effet souhaité rétablir la caducité de l'offre en cas de décès de son destinataire. Je ne partage pas son analyse et je souhaite revenir à la version que nous avions adoptée en première lecture.
La réécriture de l'article 7 est encore plus nécessaire. Cet article allait de pair avec l'article 2 qui définit le contrat d'adhésion. L'article 7 prévoit une rédaction de l'article 1171 du code civil sur les clauses pouvant être qualifiées d'abusives et donc être annulées dans le contrat d'adhésion. Selon la vision sénatoriale, seules les clauses du contrat d'adhésion qui sont non négociables et en mesure de créer un déséquilibre significatif entre les parties pourraient être annulées. Dès lors que nous avons restreint le champ du contrat d'adhésion et que nous avons fait un effort de définition dès ce stade, je pense qu'il ne nous appartient pas de donner une deuxième définition des clauses non négociables et donc de décider que seulement certaines clauses pourraient être qualifiées d'abusives.
Nous avons aussi une divergence de vue avec le Sénat sur l'article 8, relatif au régime de l'imprévision. Contrairement aux sénateurs, je suis favorable au droit de révision du juge pour imprévision. C'est pourquoi je vous propose de rétablir le texte que nous avions adopté.
Enfin, je vous propose quelques amendements de coordination à l'article 15 sur l'application dans le temps. Si vous les adoptez, le texte ne sera pas adopté conforme et il devra faire l'objet d'une commission mixte paritaire.