Intervention de Raphaël Gauvain

Réunion du mercredi 7 février 2018 à 9h40
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRaphaël Gauvain :

Pour le groupe La République en Marche, il ne s'agit pas ici de refaire la totalité du débat que nous avons eu en première lecture, en commission comme en séance. J'aimerais cependant formuler quelques observations sur deux points qui me semblent essentiels : le contrat d'adhésion et la révision judiciaire en cas d'imprévision. Vous le savez, ce sont deux innovations majeures de l'ordonnance de 2016. Ce sont également les deux points les plus commentés. Ce sont eux qui ont été les plus controversés, soit dans nos débats, soit dans ceux qui agitent la doctrine depuis près de dix ans.

Ma première observation porte sur la définition du contrat d'adhésion. Celle-ci est essentielle en effet dans la mesure où la caractérisation du contrat d'adhésion va conditionner pour l'essentiel le mécanisme protecteur des clauses abusives, défini à l'article 1171 du code civil.

Initialement, l'ordonnance consacrait une notion doctrinale du contrat d'adhésion, en le définissant comme « celui dont les conditions générales, soustraites à la négociation, sont déterminées à l'avance par l'une des parties ». En première lecture, le Sénat avait souhaité clarifier la définition. Le débat avait été nourri également au sein de cette commission.

Au Sénat, à l'initiative du Gouvernement, et sur avis favorable de son rapporteur, une quatrième définition du contrat d'adhésion a été proposée, entendu comme celui « qui comporte un ensemble de clauses non négociables, déterminées à l'avance par l'une des parties ». Comme le rapporteur l'a rappelé, le contrat d'adhésion est ainsi défini à partir de deux critères : la non-négociabilité et la prédétermination unilatérale des obligations par une des parties.

Cette définition me semble claire, concise et prenant en compte les critiques que nous avions formulées à l'égard de la définition adopté par le Sénat en première lecture. Aussi, le groupe La République en Marche est favorable à cette nouvelle définition et ne proposera pas de nouvel amendement sur ce point. Il appartiendra désormais au juge, et en tout premier lieu à la Cour de cassation, d'accompagner et d'encadrer cette définition du contrat d'adhésion, notamment au regard du mécanisme des clauses abusives.

Ma deuxième observation porte sur la révision judiciaire pour imprévision.

Comme vous le savez, l'ordonnance de 2016 a pour l'essentiel codifié à droit constant des solutions jurisprudentielles, mais avec quelques innovations qui n'avaient pas, jusqu'alors, été retenues par les tribunaux. Le texte comportait notamment des avancées significatives pour lutter contre le déséquilibre contractuel.

Il inscrivait ainsi dans le code civil une notion nouvelle : le concept de l'imprévision. Il permet au juge, en revenant sur une très ancienne jurisprudence de 1876 dite « Canal de Craponne », de se substituer à la volonté des parties pour rétablir un équilibre contractuel. C'est ainsi que, dans certaines circonstances strictement encadrées, le juge civil ne se contente plus désormais de procéder à la simple interprétation du contrat et à la simple interprétation de la volonté des parties au contrat. En cas d'événement imprévu, il peut intervenir pour rétablir l'équilibre contractuel.

Nous avions eu ce débat lors de la première lecture, en commission comme en séance : le Sénat avait marqué son opposition, tout comme le groupe Les Républicains. Une fois encore, le Sénat est revenu sur la rédaction. Nous souhaitons quant à nous, comme le rapporteur, conserver le texte initial et introduire dans notre droit cette notion de l'imprévision.

Sur le fond, je rappelle une fois encore qu'au cours des dix dernières années, cette innovation a fait l'objet de discussions, d'une large consultation et d'un consensus, de la doctrine comme des praticiens, en faveur de son introduction. Là encore, il appartiendra au juge, et en tout premier lieu à la Cour de cassation, d'accompagner et d'encadrer cette nouvelle évolution.

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