Intervention de Patrick Jeantet

Réunion du mercredi 7 février 2018 à 8h40
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Patrick Jeantet, président de SNCF Réseau :

Mesdames et messieurs les députés, je suis très honoré de m'exprimer devant vous ce matin. J'évoquerai en particulier la situation de SNCF Réseau, donc des infrastructures.

Notre réseau ferré national, qui est le deuxième plus grand réseau ferré d'Europe, est, en fait, à deux vitesses, puisqu'il se compose du réseau des Lignes à grande vitesse (LGV) et du réseau classique. Le premier comprend environ 2 700 kilomètres de lignes depuis l'inauguration, le 2 juillet dernier, des lignes Sud-Europe-Atlantique et Bretagne-Pays-de-la-Loire et, au mois de décembre, du contournement de Nîmes-Montpellier. Même si les plus anciennes commencent à vieillir, la qualité de ces lignes est tout à fait satisfaisante puisqu'on a investi dans leur renouvellement progressif.

Le second réseau, en revanche, le réseau historique, pâtit d'un sous-investissement chronique depuis la création du premier, soit une petite trentaine d'années. Notre priorité est donc de rattraper ce retard de renouvellement. Pour vous donner un ordre de grandeur, dans les années 2000, nous investissions dans sa rénovation de 500 millions à 700 millions par an, quand nos voisins allemands ou britanniques, dont le réseau est comparable, investissaient 3 à 4 milliards. Des rapports ayant mis en évidence le manque de renouvellement du réseau classique, nous avons porté le montant de nos investissements à 2,7 milliards l'année dernière, avec l'objectif d'atteindre 3 milliards – avant productivité – à l'horizon 2020. Mais sachez que le réseau comprend 30 000 kilomètres de lignes, dont 17 000 – ou, plus exactement 34 000 kilomètres, puisque ce sont des lignes à double voie – sont très circulées. Or, depuis que nous avons augmenté nos investissements, nous en renouvelons environ 1 000 à 1 100 kilomètres par an. Le renouvellement de l'ensemble de ces lignes prendra donc plus de trente ans. L'effort devra être soutenu pendant plusieurs années avant d'obtenir une amélioration significative de la qualité des infrastructures. Du reste, dans le cadre des recommandations émises par le Bureau d'enquêtes sur les accidents de transport terrestre (BEA-TT) suite à l'accident de Brétigny, nous allons publier, à la fin du mois de mars, un nouveau rapport qui confirme que, si l'investissement a bien augmenté, il devra être maintenu sur une longue période et que, pour le moment, nous sommes loin du compte puisque l'on commence à peine à inverser légèrement les courbes de ce que l'on appelle la consistance de la voie.

Deuxièmement, nous avons signé, en avril dernier, un contrat de performance qui, vous le savez, puisque vous avez auditionné son président, a été très contesté par l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières (ARAFER). Cependant, du point de vue de SNCF Réseau, il présente l'immense avantage de définir, pour la première fois, des trajectoires d'investissement de rénovation sur dix ans, de sorte que nous pouvons désormais programmer nos travaux. Auparavant, et c'est encore le cas cette année, les travaux étaient planifiés trois à cinq ans à l'avance, mais les arbitrages budgétaires du mois de décembre nous contraignaient bien souvent à en déprogrammer un certain nombre, parfois important, au mois de janvier, ce qui avait des conséquences sur la circulation et l'organisation de la société. Le contrat de performance – et, je le répète, c'est un point extrêmement important – nous offre donc une visibilité sur les investissements. Les critiques de l'ARAFER portent notamment sur l'équilibre financier qui, de fait, pose problème – je vais y revenir.

J'ajoute que, si nous n'augmentons pas nos investissements, nous serons obligés, dans le cadre du contrat de performance, de diminuer ceux que nous consacrons à la rénovation des voies pour renforcer la part allouée à la signalisation et à la caténaire, qui continuent de se détériorer. J'ai donc demandé au Gouvernement que le montant des investissements annuels soit porté de 3 milliards à 3,5 milliards afin que nous puissions à la fois maintenir nos investissements dans le renouvellement des voies et accélérer la rénovation de la signalisation, dont dépend en grande partie la qualité du service. Dans la plupart des cas, en effet, celle-ci est dégradée par des incidents de signalisation ou de caténaires dus à l'ancienneté et à l'obsolescence du système. L'état des voies, quant à lui, a plutôt des incidences sur la sécurité. Lorsqu'une voie est usée, on limite la vitesse, jusqu'à son renouvellement. Le nombre de ces limitations de vitesse a ainsi augmenté substantiellement ces dernières années, puisqu'elles concernent désormais environ 5 000 des 30 000 kilomètres de lignes.

Troisièmement, j'ai proposé au Gouvernement, et je vous propose, d'accélérer la modernisation du réseau. Il s'agit d'utiliser les innovations technologiques actuelles pour modifier progressivement le système de contrôle-commande des trains, dont le système de signalisation, en adoptant l'ERTMS 2 (European rail traffic management system). Ce système standardisé au niveau européen permet, d'une part, de diminuer l'écart entre deux trains, donc d'augmenter la capacité d'une infrastructure existante sans avoir à reconstruire une nouvelle ligne, d'autre part, d'améliorer grandement la qualité du service. Deux projets phares vont être lancés : le premier sur la ligne à grande vitesse Paris-Lyon, le second sur la ligne Marseille-Vintimille. Ce basculement représente, dans le domaine du ferroviaire, un changement équivalent à l'introduction du métro automatique. Il ne s'agit pas encore tout à fait d'un train autonome – ce sera l'étape suivante –, mais nous pourrons réduire les écarts entre les trains et augmenter la capacité des infrastructures existantes.

En matière de productivité, nous nous sommes engagés, dans le contrat de performance, à économiser, durant les cinq premières années du contrat, c'est-à-dire à l'horizon 2021, 500 millions d'euros par an sur une base de coûts de 8,5 milliards, qui inclut investissements de rénovation, charges d'exploitation et coûts de maintenance courante. Ce plan de productivité, qui est actuellement déployé dans l'entreprise, comprend 39 leviers de productivité. Des systèmes de gestion et de maintenance assistées par ordinateur permettent, par exemple, de géolocaliser les tournées et de les regrouper ou de « monitorer » le temps de réparation. Par ailleurs, nous nous sommes engagés à porter, à l'horizon de dix ans, le montant de ces économies de 500 millions à 1,2 milliard par an. En 2018, nous allons donc travailler à identifier les leviers de la seconde phase. Je pense notamment à la restructuration de la formation, dont le coût représente actuellement environ 7,5 % de la masse salariale ; notre objectif est d'abaisser ce taux à 5 %, ce qui nous permettrait d'économiser 30 à 50 millions d'euros.

Avant de conclure, je souhaite évoquer l'équilibre financier de SNCF Réseau. Celui-ci est compliqué par la gouvernance financière. Nous avons une économie à coûts fixes, qui dépend très peu des circulations. Outre les trajectoires d'investissement, c'est-à-dire les fameux 3 milliards, les coûts d'exploitation sont à peu près fixes : nos coûts variables sont de 10 à 15 %. Quant à nos recettes, elles sont issues, à hauteur de 55 %, des péages dont s'acquittent les entreprises ferroviaires, le reste provenant des concours publics. L'ARAFER souhaite que les péages baissent, de sorte qu'à terme, un plus grand nombre de trains circulera sur les voies. Toutefois, l'élasticité du coût n'étant pas très importante, le trafic se maintiendrait à son niveau actuel pendant plusieurs années. Dès lors, sachant que le ministère du budget ne souhaite pas accroître les concours publics, une baisse des péages nous conduirait soit à augmenter la dette, ce qui n'est sans doute pas envisageable, soit à diminuer les investissements. La gouvernance, qui permet actuellement à l'ARAFER d'imposer de telles baisses de tarifs à terme, mérite, me semble-t-il, l'attention du Parlement.

En conclusion, j'ai lancé un projet stratégique, intitulé « Nouvelle ère », qui se concentre sur la rénovation du réseau structurant, les transports du quotidien et les travaux sur les grands noeuds ferroviaires, puisque c'est là que se trouvent les grandes masses de clients finaux, ainsi que sur la modernisation du réseau, qui vise à augmenter la capacité des infrastructures et à améliorer la qualité du service.

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