J'interviens au nom du groupe La France Insoumise.
Le 15 janvier, je visitais la gare de triage d'Hourcade, à Bègles. Le vacarme y était assourdissant : pas un seul train, mais le passage des camions sur le pont de la rocade juste au-dessus, un par seconde. C'est un naufrage industriel. En 1985, 30 % du transport de marchandises était assuré par le rail, aujourd'hui 10 %. Dans les années 2000, 1,8 million de camions ont été remis sur les routes, parallèlement au démantèlement du fret ferroviaire orchestré par la SNCF et encouragé par une série de capitulations politiques.
Vous avez supprimé en 2009 le wagon isolé, reportant ainsi le trafic des PME vers Geodis, premier transporteur routier et filiale à 100 % de la SNCF, Geodis qui emploie des chauffeurs routiers venus de Roumanie payés moins de 300 euros bruts par mois. Vous organisez en interne la concurrence du rail. En 2009 encore, vous annonciez à la télévision votre intention de mettre fin aux murs de camions qui ceinturent nos agglomérations et à faire la révolution du transport écologique. Allez-vous réitérer ce mensonge devant la représentation nationale ? Finalement, au vu de l'histoire du fret, nous savons à quoi nous attendre pour la partie « voyageurs » qui sera ouverte à la concurrence en 2020 : toute idée de service public sera jetée aux oubliettes face à la privatisation. C'est une vente à la découpe.
J'anticipe l'objection que vous me ferez pour justifier ces renoncements : la dette. Je ne suis pas économiste, aussi pourriez-vous m'éclairer sur l'utilité de feu le service annexe d'amortissement de la dette (SAAD), créé en 1991 avec 5,5 milliards de dette à gérer, et sur votre belle réussite avec, au final, 8 milliards de dette à la fin de ce service en 2017 ? Pourriez-vous m'expliquer aussi le passage d'une dette totale de 31,7 milliards en 1996 à 46,4 milliards vingt ans plus tard, alors que dans le même temps SNCF Mobilités est bénéficiaire chaque année et a versé 49,74 milliards d'euros en péages pour la même période – j'ai fait les comptes hier soir ?
Je souhaite souligner votre contribution directe à cette dette. Je pense notamment à l'inauguration de la LGV Tours-Bordeaux, dont le coût se monte à 6 millions d'euros selon la police, 3 millions selon les organisateurs, avec du caviar au wagon-bar. J'ajoute à votre débit les 210 millions consacrés chaque année à la communication, dont 70 % sont longtemps restés hors de tout appel d'offres. De la part d'un tenant de la libre concurrence, c'est assez surprenant. Monsieur Pepy, au vu des éléments qui viennent d'être présentés – et je vous fais grâce de Brétigny et des black-out à Montparnasse et Saint-Lazare –, au vu de vos états de service en tant que fossoyeur de la SNCF (Protestations.), vous comprenez bien que les contribuables ne vont pas en plus payer les fleurs et les couronnes.
J'en viens à la gestion des ressources humaines. Nonobstant les cinquante agents de la SNCF qui se suicident chaque année, l'un de vos directeurs me disait dernièrement, sans sourciller : « Notre ADN, c'est l'humain. » Alors, messieurs, je souhaite que nous mettions fin à vos missions avec bienveillance et humanité. Un conseiller en reconversion va donc vous réorienter vers votre coeur de métier : la casse du service public et la communication. Le poste sera un peu loin de chez vous mais, pas de panique, vous êtes flexible et vous prendrez le train comme tout le monde. Quant à nous, face aux enjeux écologiques, nous ouvrons dès à présent les recrutements avec un objectif clair : non au caviar dans le wagon-bar, oui à l'aménagement du territoire.