Intervention de Guillaume Pepy

Réunion du mercredi 7 février 2018 à 8h40
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Guillaume Pepy, président de SNCF Mobilités :

Je traiterai huit points qui me semblent communs aux différentes interventions.

Tout d'abord, l'année 2017 aura en effet été une année de rebond pour le ferroviaire en France. C'est très rassurant, après le point bas atteint en 2016 après les attentats et les grèves. Les chiffres que nous publierons dans quelques semaines montrent une augmentation du nombre de voyageurs à grande vitesse de presque 10 %, ce qui est historique, une augmentation du nombre de voyageurs dans les TER de 4,6 %, du jamais vu depuis sept ou huit ans, et en Île-de-France, notamment grâce au passe Navigo à tarif unique, nous sommes à + 3,2 %. Le train est de retour !

S'agissant de la stratégie de performance, je redis clairement devant vous que SNCF Mobilités n'en a qu'une seule, c'est de faire baisser les coûts, pas seulement les coûts de personnel mais aussi les coûts de capital, d'organisation, les coûts cachés, pour faire baisser les prix. Ce sont 77 % des Français qui trouvent le train trop cher. De ce point de vue, Ouigo est un levier de conquête. Il devrait représenter 25 % du trafic en 2020. Or, il est moitié moins cher que les autres TGV. Ouigo nous a permis de gagner cette année quatre millions de personnes qui, sinon, n'auraient pas voyagé à grande vitesse.

Deuxième point : les trains sans contrôleur. Il n'y a pas de doctrine à ce sujet, mais une adaptation à la réalité du terrain, largement discutée avec l'autorité régionale organisatrice. Le principe historique d'un contrôleur par train, qu'il y ait quinze passagers ou 500, nous paraît avoir vécu. Nous réorganisons le travail de telle sorte qu'il y ait des équipes de contrôleurs qui contrôlent un train de bout en bout à certains moments du trajet, avec un accompagnement non systématique lorsqu'il y a en heure creuse cinq ou dix personnes dans un train. Le poids financier de la présence d'un contrôleur tout au long du trajet est quelque chose qui fait réfléchir les régions. En tout état de cause, il y a aujourd'hui quelque 10 000 contrôleurs à la SNCF ; je pense que leur nombre restera proche de 10 000 dans cinq ou dix ans, il s'agit simplement d'une réorganisation du travail.

Troisième point : la relation avec les régions et la liberté tarifaire. Pendant longtemps, les régions ont été privées de la liberté de fixer leurs tarifs. Cela a changé l'an dernier, l'État ayant pris un décret d'application de la loi de 2014 donnant la liberté tarifaire aux régions, et elles commencent à s'en emparer. Le président de Régions de France et la présidente de la région Île-de-France sont membres du conseil de surveillance du groupe ferroviaire et peuvent donc, dans ce cadre, faire valoir le point de vue des régions. Je redis devant vous que les régions sont le premier client de la SNCF puisque l'activité TER placée sous leur responsabilité est la première activité en termes de chiffre d'affaires.

Quatrième point : l'ouverture à la concurrence et l'aménagement du territoire. La ministre Élisabeth Borne a démenti toute rumeur quant à la fermeture massive de dessertes TGV. Elle a pointé le fait que l'on ne peut en même temps avoir des péages élevés, des arrêts très nombreux et des tarifs très bas. Il faut mettre ce sujet sur la table pour que soient prises les bonnes décisions.

Entre, d'une part, la liberté d'accéder au marché français pour d'autres opérateurs de grande vitesse, par exemple allemands et italiens, c'est-à-dire le système d'open access, et, d'autre part, un système de franchise qui ressemble un peu à ce qui existe pour les TER, à savoir des appels d'offres sur une partie du réseau, il s'agit d'un choix politique qui revient à la représentation nationale. Les deux systèmes existent en Europe. Notre conviction personnelle, c'est que l'open access serait sans doute meilleur en France. On verra ce que le rapport Spinetta dira.

Cinquième point : je réaffirme que le rail restera la colonne vertébrale de la SNCF. De fait, 85 % de nos investissements sont réalisés en France et 90 % portent sur le train. Nous nous diversifions, certes, parce que chacun sait que le train va de gare en gare mais que les clients vont d'un point A à un point B et il faut être capable de leur proposer des solutions pour se rendre à la gare et pour terminer leur trajet de la gare à l'adresse de destination. C'est pourquoi nous sommes un acteur de toutes les mobilités partagées et nous entendons devenir un acteur très important, que ce soit du covoiturage, de l'autopartage ou des nouvelles mobilités.

Sixième point : le climat social. Mon point de vue de responsable de l'entreprise, c'est que les quatre sujets posés au Gouvernement et au Parlement, c'est-à-dire la concurrence, le modèle économique, la dette et le pacte social, font évidemment l'objet de très grandes attentes de la part du personnel. Le personnel a le droit de connaître les futures règles du jeu et le plus tôt sera le mieux, car ne pas savoir est une source d'inquiétude légitime. La décision des pouvoirs publics de conduire une réforme systémique est très positive. De façon un peu caricaturale, sur le ferroviaire tout est dit : il faut maintenant décider.

Septième point, en réponse à M. Prud'homme, deux corrections factuelles. Le fameux caviar est une boîte de caviar d'Aquitaine apportée par un chef aquitain pour en assurer la promotion devant les médias et les personnes présentes. Une dizaine de personnes ont consommé quelques grammes de caviar aquitain. Cela n'a pas été payé par la SNCF mais par le producteur. Quant aux dépenses de communication de la SNCF, elles font l'objet d'un contrôle de la Cour des comptes, qui se rend dans l'entreprise tous les deux ans.

Huitième point : sur la qualité de service, nous avons, avec M. Patrick Jeantet, lancé un programme pour les trois à cinq ans à venir sur la robustesse de l'exploitation ferroviaire et l'information des voyageurs. Sur la robustesse, il s'agit de voir comment avoir des trains qui résistent mieux aux inévitables aléas, climatiques, accidents de personnes… C'est la priorité absolue de l'entreprise pour les prochaines années. Autour de ce programme, il y a le départ à la minute près, des règles d'exploitation plus robustes, une conception des horaires plus solide, et des compétences renouvelées en matière d'exploitation.

La partie information comporte également quatre piliers : des scénarios en cas d'incident appliqués systématiquement, des centres opérationnels de nouvelle génération, une base de données unique pour l'information des voyageurs, et un changement de culture qui mette l'information tout en haut des valeurs culturelles de l'entreprise.

Dans le fret ferroviaire, aucun opérateur, en France ou en Europe, ne gagne de l'argent. C'est un problème qui dépasse la SNCF. En ce qui nous concerne, il nous reste un chemin de compétitivité à suivre, mais il n'y aura pas de développement du fret ferroviaire sans réflexion sur la compétitivité comparée de la route et du rail.

Un dernier mot sur l'humain. Fait rare dans le service public, nous remplaçons deux départs à la retraite sur trois. Par ailleurs, nous avons engagé avec les organisations syndicales une discussion sur un très important programme de requalification, qui permettra que les cheminots d'aujourd'hui soient capables de bâtir la SNCF de demain. Ce programme se déroulera sans doute pendant les cinq prochaines années. Cela représente plusieurs centaines de millions d'investissement dans l'humain.

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