Cette question est un tir tendu dans la lucarne gauche, madame la députée ! (Sourires.)
Les choix d'investissement en faveur du TGV en France ne sont heureusement pas faits par le ou les présidents de la SNCF mais par les pouvoirs publics, en liaison avec les élus, et c'est parfaitement normal car nous sommes une entreprise publique.
La priorité au TGV, de 1975 à 2005, était une priorité politique, assumée par les autorités politiques. Elle a été mise en oeuvre par la SNCF, et c'est tant mieux, car où irions-nous si les entreprises publiques ne mettaient pas en oeuvre les politiques publiques ?
Il se trouve que mes prédécesseurs – M. Louis Gallois et Mme Anne-Marie Idrac – et moi-même, nous avons tiré la sonnette d'alarme sur l'état du réseau dans les années 2000, et appelé, avec une très grande fermeté, à un changement de priorité. Ce changement a mis du temps à venir, sans doute trop, mais les gouvernements successifs y ont contribué. Aujourd'hui, il est clair pour la majorité – peut-être la totalité – des groupes politiques, que la priorité absolue dans ce pays doit aller vers les transports de la vie quotidienne et l'entretien du réseau existant.
Mais le retard qui a été pris ne peut pas se rattraper en quelques mois ou quelques années, M. Patrick Jeantet estime au moins à une dizaine d'années le temps nécessaire au travail de modernisation. Les choses sont lancées, une accélération est possible, mais de manière limitée. Nous ne sommes pas loin d'atteindre le seuil au-delà duquel les travaux auraient des conséquences excessives pour les voyageurs. Sans doute pouvons-nous encore augmenter le volume des travaux, mais nous ne pouvons pas le doubler ou le tripler. Nous avons 1 600 chantiers en cours sur le réseau. Les voyageurs le voient : un voyageur de long parcours en Intercités rencontre deux, trois ou quatre chantiers. Le risque est énorme d'avoir quelques minutes de retard à l'arrivée, en circulant sur la voie contiguë ou à vitesse ralentie.
Pour terminer, je me permets de vous remercier pour ce dialogue intéressant. Il s'est un peu apparenté à un grand oral, ou au QCM d'un étudiant en médecine, mais c'est précieux pour nous, car la façon dont vous posez ces questions, et leur contenu même, nous aident dans notre métier. Et nous sommes toujours honorés de pouvoir rendre des comptes à la commission.