Par ailleurs, la position de la France est encore un peu plus fragilisée par la décevante défiance affichée par le Président de la République envers le système du Spitzenkandidat, alors même que les parlementaires européens y sont particulièrement attachés. En vertu de ce mécanisme, chaque parti européen choisit avant les élections européennes son candidat pour la présidence de la Commission européenne, en toute transparence ; chacun de ces candidats fait campagne et débat avec ses adversaires, exposant ses projets et sa vision pour l'Union européenne. Choisir les candidats aux élections européennes sur une liste unique derrière les portes fermées des commissions d'investiture des partis, tout comme choisir le futur président de la Commission européenne derrière les mêmes portes fermées du Conseil, est-ce là le signe d'une Europe plus ouverte, plus démocratique, plus transparente, plus proche des citoyens ? Inévitablement, non !
Le rejet par le Parlement européen de la proposition française de création de listes transnationales doit également obliger notre assemblée à revoir sa copie, et il semblerait logique que l'article 7 de ce projet de loi, qui vise à établir des listes transnationales, soit supprimé par notre assemblée. C'est d'ailleurs une demande du Conseil d'État qui, dans son avis du 21 décembre 2017, avant donc le vote du Parlement européen sur ce sujet, demandait que la notion de listes transnationales soit retirée du dispositif du projet de loi, quitte à être placée à la rigueur dans l'exposé des motifs, la portée normative de l'article 7 étant nulle.
Les Républicains se réjouissent de voir que cette proposition de liste transnationale a été rejetée par le Parlement européen, tant il était incompréhensible pour un Français de ne plus pouvoir choisir un député européen qu'il connaissait, pour habiter la même région, et de devoir voter pour une liste conduite par un Slovène, un Bulgare ou un Chypriote. Cela eût été incompréhensible et aurait eu pour effet de détourner encore plus nos concitoyens d'une Europe qu'ils jugent, parfois à raison, distante et peu soucieuse de leurs intérêts.
La réalité, mes chers collègues, est qu'avec ce projet de loi, vous faites une fois encore la démonstration de la déconnexion entre votre vision du rôle de l'élu – qui ne doit répondre de ses actes qu'à son parti – et la nôtre – celui qui ne doit répondre de ses actes qu'à ses électeurs.
Madame la ministre, votre projet de liste nationale unique pour les élections européennes ouvre la porte à une distension encore plus grande entre le député européen et le terrain, avec une surreprésentation des apparatchiks parisiens – au moins, cela vous évitera de les parachuter dans les circonscriptions quelques semaines avant le vote – et risque de faire perdre un peu plus d'influence encore à la France au sein de l'Union européenne. Alors qu'auparavant un consensus se dessinait autour d'un découpage en circonscriptions, comme cela se fait dans presque tous les grands pays européens…