Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, depuis un moment, nous parlons beaucoup des outre-mer. Mais quelle sera la place des producteurs de bananes ou de sucre dans la politique agricole commune de demain ? Quel impact auront les négociations commerciales menées par la Commission européenne par exemple avec l'Australie sur l'économie de nos territoires ? Comment les normes sanitaires et phytosanitaires seront-elles adaptées aux biens agricoles produits sous un climat tropical ?
Le Parlement européen devra répondre à toutes ces questions déterminantes pour l'avenir des outre-mer. Les politiques de l'Union européenne en matière de cohésion des territoires ou de pêche, les politiques douanières, commerciales, fiscales ou agricoles, pour ne prendre que les exemples les plus parlants, ont d'ores et déjà un impact majeur pour les outre-mer.
Plus que jamais, l'avenir de nos trois millions de concitoyens ultramarins se décide en partie à Bruxelles. Plus que jamais, nos territoires doivent être défendus avec force au sein des institutions européennes. En effet, je l'ai souvent constaté à mes dépens : nos camarades européens ne nous connaissent pas. Un Roumain, un Letton ou un Hongrois ne trouve aucune équivalence au concept de territoire d'outre-mer dans la culture politique ni dans le droit de son pays. Il n'y a là ni dédain ni mépris, mais une simple méconnaissance dont il nous faut tenir compte. Il est donc essentiel, sinon vital, de porter à Strasbourg ou à Bruxelles la voix de nos concitoyens, certes lointains, mais bien européens !
Et pourtant, face à ce besoin de défendre nos territoires, vous décidez par le projet de loi d'affaiblir la représentation des Ultramarins au sein du Parlement européen. On m'objectera que ceux-ci pourront être représentés au sein des listes nationales, mais c'est bien ce « pourront », qui est décisif. Remplacer la certitude de voir nos territoires représentés et défendus au Parlement européen par une simple probabilité constitue pour moi, comme pour les acteurs socio-économiques de nos territoires, un recul manifeste.
En commission, ma collègue Cécile Untermaier a soulevé la question. Dans la réponse, une certaine gêne a prévalu. Celle-ci n'est pas l'apanage de notre assemblée. Elle est aussi le fait du Gouvernement. L'étude d'impact reconnaît ainsi que le découpage actuel « a permis une représentation accrue de la diversité géographique et de l'outre-mer au Parlement européen », puis que « la circonscription outre-mer permet d'assurer une représentation de la diversité géographique ».
Conscient des risques que cela pouvait susciter pour la représentation des outre-mer, le Gouvernement avait envisagé la création de deux circonscriptions : l'une hexagonale, l'autre ultramarine. Je cite là encore l'étude d'impact : « l'institution d'une circonscription ultramarine propre ajouterait [l'avantage] de la stabilité – dans la mesure où une circonscription outre-mer existe déjà depuis 2003 – et de la garantie d'une représentation spécifique des Ultramarins au Parlement européen. Le choix d'une double circonscription permettrait en outre de tenir compte des spécificités propres à l'outre-mer et de "garantir une représentation de notre pays dans sa diversité géographique". »
Cette option fut néanmoins écartée au motif que les populations outre-mer n'aspireraient pas à un traitement politique différencié. Or cette orientation – quelle contradiction, madame la ministre ! – est aujourd'hui au coeur de la politique gouvernementale et ce sont de ces mots que se sert la ministre des outre-mer.
Face à ces contradictions et à ces impératifs, le groupe Nouvelle Gauche plaide pour une prise en compte des spécificités des outre-mer et pour le maintien d'une circonscription ultramarine, notamment – on l'a rappelé tout à l'heure – parce que les institutions européennes ont évolué.
J'en veux pour preuve l'article 349 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, la Commission européenne, le Parlement européen, qui a adopté à l'unanimité un rapport plaidant pour une application plus ouverte de l'article 349, défendue par le député européen de l'Océan indien Younous Omarjee, et enfin la Cour de justice de l'Union européenne, dont la jurisprudence a renforcé en 2015 ce droit à l'adaptation, en l'étendant aux actes de droit dérivé, que la Commission n'incluait pas dans sa lecture restrictive de l'article 349.
Commission européenne, Parlement européen, Cour de justice de l'Union européenne, toutes ces institutions en arrivent à la même conclusion : il est nécessaire d'adapter le droit de l'Union européenne aux réalités des outre-mer et non l'inverse. Fort de ce constat, le groupe Nouvelle Gauche vous propose une réelle prise en compte des spécificités des outre-mer, donc le maintien d'une circonscription ultramarine à côté de la circonscription continentale.