Intervention de Danièle Obono

Séance en hémicycle du jeudi 15 février 2018 à 15h00
Bonne application du régime d'asile européen — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanièle Obono :

« Je ne sais pas où je vais. D'où je viens est en voie de disparition. Je ne suis pas bienvenue et ma beauté n'est pas beauté ici. Mon corps brûle de la honte de ne pas appartenir, mon corps se languit. Je suis le péché de la mémoire et l'absence de mémoire. Je regarde les nouvelles et ma bouche devient un bac plein de sang. Les lignes, les formes, les gens derrière les bureaux, les cartes de téléphone, les officiers de l'immigration, les regards dans la rue, le froid qui prend demeure dans mes os, les cours d'anglais le soir, la distance qui me sépare de la maison. »

Peut-être est-il primordial de commencer cette intervention avec les mots d'une personne qui connaît la migration comme une réalité personnelle, intime, qui en connaît les coûts affectifs et qui peut mesurer l'ampleur des sacrifices. Il est sûrement important, avant de parler de ce texte qui, de notre point de vue, est une pierre de plus à l'édifice lugubre des règlements Dublin, avant d'entrer dans les détails des mesures de restriction des libertés fondamentales organisées à l'échelle européenne et ficelées jusque dans les moindres rouages au niveau national, de lire à haute voix, devant cette assemblée composée de gens humanistes mais fermes, ces quelques vers de la poétesse britannique Warsan Shire.

Cette proposition de loi n'est que le préambule de la réforme du droit des étrangers et des étrangères que notre assemblée examinera prochainement. De notre point de vue, elle prend part une part active au démantèlement du seul droit fondamental exclusivement accordé aux personnes étrangères : le droit d'asile. Nous le disons sans démagogie, avec sérieux et gravité.

Ce démantèlement de l'asile est selon nous une posture idéologique irréaliste et déraisonnable, qui ne découle pas d'une crise des migrants et des migrantes, d'une crise des migrations, car ces dernières ont toujours, historiquement, procédé par vagues successives ou simultanées, générant dans les sociétés de départ et d'arrivée de nécessaires adaptations. Il s'agit en réalité d'une crise de l'accueil de l'Europe qui organise la libre circulation des biens et des forces de travail, mais bouche l'horizon aux êtres humains.

Le député Warsmann, usant d'une rhétorique classique, blâme une institution tierce pour ne pas avoir à assumer ses choix politiques. La proposition de loi est censée permettre « une bonne application du régime d'asile européen », mais elle en dépasse en réalité les préconisations. Car son véritable objectif, comme c'était celui de la circulaire du 20 novembre 2017 du ministre de l'intérieur, Gérard Collomb, et comme ce sera celui du futur projet de loi sur l'asile et l'immigration, c'est l'enfermement systématique.

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