Intervention de Élise Fajgeles

Séance en hémicycle du jeudi 15 février 2018 à 15h00
Bonne application du régime d'asile européen — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉlise Fajgeles :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, pour aborder le débat sur cette proposition de loi avec pragmatisme et pour éviter les caricatures entendues de part et d'autre, je crois utile de répondre à quelques questions.

Cette proposition de loi a-t-elle vocation à traiter de l'accueil des demandeurs d'asile, de l'intégration des réfugiés et de la situation de tous les étrangers sur notre territoire ? À l'évidence, non ! Nous apportons ici une réponse légale à un arrêt de la Cour de cassation du 27 septembre 2017, qui constatait, dans le droit français, l'absence de définition du risque non négligeable de fuite. Et à quoi nous sert cette définition ? À faciliter le transfert, avec une possibilité de mise en rétention, des personnes à qui on a notifié leur placement sous procédure Dublin, c'est-à-dire dont les empreintes ont déjà été enregistrées dans un autre État de l'Union européenne.

Le règlement Dublin III permet cette mise en rétention lorsque quatre conditions sont remplies : qu'il existe un risque non négligeable de fuite du demandeur d'asile, que la rétention ait été décidée sur la base d'une évaluation individuelle, que la rétention soit proportionnelle et qu'aucune mesure moins contraignante ne puisse être prise. Le texte qui nous est soumis vise donc à définir les critères permettant d'apprécier la première de ces conditions, le risque non négligeable de fuite. Nous sommes donc loin d'un texte général sur notre politique migratoire !

Pour légiférer au mieux, il est important de préciser l'objet des textes, de les replacer dans leur contexte et de ne pas y mettre tous les fantasmes et tous les dogmes ; ne faisons pas comme si nous n'allions pas nous retrouver d'ici à quelques semaines pour discuter tous ensemble d'une réforme qui permettra de rendre plus effectif notre droit d'asile !

Le règlement Dublin III est-il une réponse satisfaisante à la crise migratoire que nous connaissons en Europe depuis 2015 ? À l'évidence ici encore, la réponse est non ! Comme le Président de la République l'a dit lui-même dans son discours devant les préfets en septembre dernier : « Il y a aujourd'hui sept textes qui constituent le paquet asile . Je souhaite que nous puissions accélérer leur discussion, leur redonner une véritable cohérence, parce que notre réponse est aussi une réponse européenne ».

Toutefois, aujourd'hui, c'est ce règlement qui régit le droit européen en matière d'asile, et notre pays doit respecter ses engagements communautaires. Or, pour permettre à nos services préfectoraux et à nos forces de police d'appliquer le règlement Dublin III, nous devons leur donner cette base légale. J'étais cette semaine auprès des services de la préfecture de police de Paris et j'ai entendu le désarroi des agents qui se retrouvent face à un nombre très important de personnes placées sous procédure Dublin, dont ils ne peuvent étudier plus avant la situation administrative et dont ils ne peuvent non plus procéder au transfert lorsque ces personnes se soustraient aux autorités.

Il est de notre responsabilité politique, à nous tous qui siégeons dans cet hémicycle, de permettre une bonne application de la loi. Le présent texte constitue-t-il la panacée ? Certainement pas ! Sa première lecture par notre assemblée a toutefois permis d'introduire des garanties supplémentaires au bénéfice des personnes relevant de la procédure Dublin qui ne sont pas remises en cause.

Nous devons voter conforme le texte modifié par le Sénat. Il me semble essentiel de nous souvenir de la raison pour laquelle nous, députés, représentants de la nation, siégeons dans cet hémicycle. Nous sommes ici pour légiférer, ce qui ne consiste pas uniquement à échanger des points de vue, s'envoyer mutuellement des paroles et faire résonner des mots. Il s'agit de débattre en vue de fabriquer la loi, ce qui consiste à forger des outils juridiques permettant aux agents de police et aux fonctionnaires préfectoraux d'agir, en l'espèce d'appliquer un règlement européen qui nous engage.

Par-delà les mots, il y a des gens – des agents, des riverains et des « dublinés », comme on les appelle. Rester dans le flou ne sert l'intérêt de personne. Par-delà les mots, il y a la loi avec un grand « L », celle qui doit être appliquée pour faire sens, pour ne pas perdre de sa substance, pour que l'ordre public ne chancelle pas et pour que la République règne partout sur le territoire national. C'est pourquoi les membres du groupe La République en marche vous invitent à voter le texte, chers collègues.

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