Madame la présidente, madame la ministre, madame la présidente de la commission des lois, monsieur le rapporteur, chers collègues, nous examinons aujourd'hui en deuxième lecture le projet relatif à la bonne application du régime d'asile européen. Ce texte a pour but de répondre aux défaillances que connaît actuellement notre dispositif de traitement de l'asile ; il vise également à mettre notre législation en conformité avec les dispositions du règlement dit « Dublin III ».
Si nous ne pouvons que nous satisfaire de cette volonté de voir la France respecter ses engagements européens, il apparaît aujourd'hui que le cadre juridique dessiné par le règlement Dublin III est inadapté à la réalité et ne permet pas un traitement collectif satisfaisant de l'asile.
J'entends régulièrement parler de la réponse que nous devons apporter à la « crise migratoire » que connaîtrait le continent européen. Je parlerais plutôt, pour ma part, d'un « défi », car c'est maintenant depuis une dizaine d'années que le continent européen est confronté à une arrivée massive de personnes qui fuient des zones de conflit. De plus, la situation géopolitique des zones concernées par les départs semble malheureusement propice à la persistance de ces flux migratoires : nous devons donc réfléchir sur le temps long. Or le cadre juridique européen, pensé pour répondre en urgence à une situation critique, est pour le moins inadapté à une gestion à long terme des migrations.
Le système actuel fait peser de manière importante et totalement injuste le poids de l'accueil et de la prise en charge des réfugiés sur les pays de première entrée. Il prévoit notamment que le pays dans lequel le demandeur d'asile est arrivé en premier est compétent pour statuer sur la demande. Cette situation pousse de nombreux demandeurs d'asile à se soustraire aux procédures, et à attendre dans la clandestinité l'expiration du délai de dix-huit mois leur permettant de déposer une demande d'asile dans le pays de résidence. De plus, les expulsions de « dublinés » sont souvent suivies d'un retour quasi immédiat de ces personnes, vu l'impossibilité pour les autorités des pays d'accueil de prendre ces personnes en charge.
Il y a deux ans, constatant que les pays d'accueil ne pouvaient pas faire face à la situation, la Commission européenne lançait un programme de relocalisation et de réinstallation des demandeurs d'asile, qui a pris fin en septembre dernier.
Ce plan prévoyait initialement la relocalisation de près de 100 000 personnes dans les différents États membres de l'Union européenne. Or plusieurs États ont purement et simplement refusé de faire face à leurs responsabilités et font, depuis, l'objet d'une procédure d'infraction. Les relocalisations ont concerné un peu plus de 28 000 personnes, soit 28 % de du nombre initialement fixé.
Cette situation témoigne du manque de solidarité entre les États membres mais également du manque d'efficacité des dispositifs juridiques qui définissent la politique européenne d'asile. L'Union européenne, qui repose sur le principe de libre circulation des personnes, n'est pas, en 2018, en mesure de faire respecter ses propres mécanismes de solidarité s'agissant de la relocalisation des réfugiés.
La France est favorable à la relocalisation, qui apparaît comme la solution la plus juste et la plus équitable pour assurer un accueil convenable et efficient des demandeurs d'asile tout en répartissant justement la charge entre les États membres.
Cette même logique d'efficacité est au coeur des travaux du ministère de l'intérieur afin de proposer prochainement des mesures pour améliorer notre propre dispositif d'accueil. Les avancées au niveau national devront néanmoins être complétées par une véritable réforme du régime d'asile européen, qu'il conviendra d'accompagner de manière exigeante. Il faut remettre à plat la politique européenne d'asile dans son ensemble pour garantir plus de solidarité entre les États membres, plus d'efficacité dans le traitement des demandes, mais également plus de pragmatisme dans l'application des décisions concernant les personnes déboutées du droit d'asile.
En ma qualité de membre de la commission des affaires européennes, j'ai été désigné, avec ma collègue Marietta Karamanli, rapporteur sur la réforme européenne du droit d'asile. Nous entendons avancer des propositions concrètes en la matière.
Cette volonté fait écho à la position que La République en marche adopte vis-à-vis des questions européennes, et que j'ai déjà eu l'occasion d'exprimer dans cet hémicycle : euroconvaincus, nous ne laisserons pas la critique de l'Union à ses détracteurs, aussi nombreux soient-ils dans cet hémicycle, mais nous nous attacherons à assortir ces critiques de propositions concrètes, car c'est bien ce qui sépare la critique constructive de la posture politicienne.