L'amendement tend à exclure des critères d'appréciation du risque non négligeable de fuite le non-respect des obligations de relevé d'empreintes au titre du règlement Eurodac. Vous souhaitez donc revenir, madame la députée, sur une disposition que le Sénat a introduite dans l'espoir de sanctionner le phénomène préoccupant qu'est la multiplication des refus de prise d'empreintes.
Je tiens à préciser que, contrairement à ce que certains ont pu croire, le Gouvernement n'a naturellement pas demandé cette modification au Sénat.
Le Gouvernement est toutefois défavorable à votre amendement, non parce qu'il serait attaché à cette nouvelle disposition, qu'il n'a pas demandée et dont l'absence dans le texte ne lui aurait donc posé aucun problème, mais parce que, je le rappelle, il est urgent d'adopter ce texte.
En effet, nous faisons face à une forte pression liée aux flux migratoires secondaires internes à l'Union européenne. Ces flux sont nourris par le nombre important de personnes déboutées au sein de l'Union européenne depuis 2015. Elles sont 500 000 en Allemagne, dont 230 000 pour la seule année 2017. Les politiques d'éloignement n'étant pas totalement efficaces, un grand nombre de ces déboutés restent dans l'espace Schengen et sont susceptibles de retenter leur chance en France. Car Dublin n'interdit pas de déposer une nouvelle demande d'asile dans un autre État membre, qui en devient responsable après un certain délai – six mois en principe.
Faute d'application de ce règlement, nous serions amenés à examiner la demande d'asile de personnes déboutées chez nos voisins, ce qui aurait de fortes incidences sur nos dispositifs d'hébergement – même si, vous le savez, nous les avons développés – , nos délais de traitement de la demande d'asile, voire la protection effective des personnes qui ont fui des théâtres de guerre ou des persécutions. Tout cela pour des personnes déboutées ailleurs dans l'Union, notamment en Allemagne – et qui peut soupçonner l'Allemagne de ne pas être suffisamment protectrice ?
Vous me direz que cela résulte d'une imperfection du règlement de Dublin. C'est exact, et c'est la raison pour laquelle la France, sous la conduite du Président de la République, s'est très énergiquement engagée pour la révision de ce règlement. Cette révision doit permettre d'accroître la responsabilité de chaque État pour les demandeurs d'asile qui relèvent de sa compétence, mais aussi d'améliorer les mécanismes de solidarité internes à l'Union européenne, afin de ne pas faire peser toute la charge sur les pays de première entrée. Je vous assure que le Président de la République et l'ensemble du Gouvernement, en particulier le ministre d'État, ministre de l'intérieur, sont déterminés à agir en ce sens.
En attendant, nous ne pouvons pas rester dans la situation actuelle, dans laquelle des flux secondaires viennent engorger nos dispositifs déjà très sollicités, au détriment de la protection des personnes qui en ont le plus besoin. À court terme, l'application effective du système actuel est la seule façon de réagir à cet état de fait. Voilà pourquoi nous avons besoin de pouvoir procéder à ces transferts et, pour cela, de placer les personnes en rétention lorsqu'elles présentent un risque non négligeable de fuite.
C'est cette urgence qui justifie que le Gouvernement vous demande de retirer votre amendement, afin que le texte puisse être adopté très rapidement.