Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, durant plus de deux siècles, le droit français des obligations s'est imposé comme une référence dans de nombreux pays à travers le monde. À présent, il est de notre devoir de lui redonner sa place.
Force est de constater que, au cours des dernières années, nous avons malheureusement assisté à l'incorporation progressive dans notre droit du droit anglo-saxon, ce dont notre assemblée n'a, je crois, pas pris la pleine mesure. Le droit continental a inspiré la construction de multiples systèmes juridiques en Europe et dans le monde, au gré de la diffusion de l'influence française. Il est dès lors impensable que nous soyons nous-mêmes à l'origine de sa déconstruction. Nous devons de toute urgence mettre un terme à cette immixtion dans notre système juridique.
La discussion du texte s'inscrit dans le contexte du Brexit. Certaines entreprises implantées en Grande-Bretagne pourraient avoir la tentation, que je pourrais qualifier d'heureuse, de traverser la Manche et de s'installer en France. Il est donc crucial que notre droit s'adapte pour être plus attractif et ainsi rassurer le monde des affaires en proposant aux entreprises implantées sur notre sol un environnement juridique propice à leurs activités.
Nul ne doute plus aujourd'hui que le droit en règle générale, et celui des contrats en particulier, est un instrument indispensable à la puissance et à la compétitivité d'une nation. Dans une économie de plus en plus mondialisée, le monde des affaires a largement recours à ce que nous appelons l'élection de juridiction – connue sous le terme anglais de forum shopping. Elle consiste à analyser les systèmes juridiques nationaux avant de s'implanter dans un pays ou d'y développer une activité. L'objectif est bien entendu d'en déterminer la fiabilité et donc l'aptitude à répondre aux nécessités juridiques de grands groupes. Le texte dont nous débattons aujourd'hui est très attendu par le monde des affaires, les entrepreneurs, les investisseurs et les professions juridiques.
Les objectifs fixés sont légitimes et doivent être atteints. Il s'agit tout d'abord de rendre plus lisible et plus accessible le droit des contrats, du régime des obligations et de la preuve, pour que notre code civil puisse de nouveau refléter l'état réel du droit positif. Le droit positif a évolué depuis 1804 sous l'effet de la jurisprudence et de la doctrine, et ne correspond donc plus pour une large part aux règles écrites.
L'ordonnance qui nous est présentée a également l'ambition de simplifier et de clarifier la présentation et la rédaction des dispositions du code civil relatives aux contrats, au régime général des obligations et à la preuve. Il s'agit de permettre une meilleure compréhension par le plus grand nombre, notamment grâce à un effort de définition et de simplification du vocabulaire employé.
S'agissant de l'attractivité de notre droit, le texte qui nous est présenté s'inspire des projets européens d'harmonisation du droit et vise à rapprocher la législation française d'autres droits nationaux. À titre d'exemple, la suppression formelle de la notion de cause, dont les fonctions sont désormais assurées par des dispositions expressément énoncées, est positive.
Globalement, nous considérons que cette réforme permettra de renforcer l'efficacité économique de notre droit civil en introduisant un certain nombre de solutions nouvelles. Nous aurions toutefois pu aller plus loin. Nous regrettons à ce titre que la commission des lois de l'Assemblée soit à nouveau revenue sur plusieurs propositions du Sénat. C'est le cas notamment de la suppression du pouvoir de révision du contrat confié au juge en cas de changement imprévisible des circonstances pendant l'exécution du contrat. Ce choix porte atteinte de manière disproportionnée au principe de la force obligatoire du contrat qui fait loi entre les parties. Cette disposition risque d'altérer gravement l'image du droit français. Nous le regrettons vivement.
Nous déplorons par ailleurs certaines dispositions figurant dans le texte adopté en deuxième lecture par le Sénat. Ainsi, nous réaffirmons la nécessité de fixer un délai de deux mois au cours duquel le bénéficiaire d'un pacte de préférence doit confirmer l'existence de celui-ci et son intention de s'en prévaloir. Il nous semble, en effet, préférable de fixer ce délai dans la loi plutôt que de laisser à la jurisprudence le soin de le déterminer afin que nos concitoyens sachent à quoi s'attendre. Nous restons persuadés que cette mesure permettrait de lutter contre l'insécurité juridique.
Sur un autre sujet, nous ne pouvons que nous féliciter de l'opposition de la commission des lois à l'amendement du rapporteur visant à supprimer la disposition relative à la caducité de l'offre contractuelle en cas de décès de son destinataire. La clairvoyance l'a emporté. Je regrette, monsieur le rapporteur, que vous persistiez à présenter cet amendement.
Enfin, ainsi que je l'avais indiqué en première lecture, nous déplorons le recours à l'ordonnance pour adopter cette réforme, d'autant que la ratification intervient plus que tardivement. Je rappelle, toutefois, que ce reproche ne peut pas être adressé au gouvernement actuel.
Le groupe Les Républicains estime que ce texte va dans le bon sens, en contribuant notamment à simplifier et à réactualiser notre droit sur la base de la jurisprudence et de la doctrine. Notre groupe, dans un esprit de responsabilité et de cohérence, apportera donc son soutien au texte et proposera des amendements qui ne tendent qu'à l'améliorer.