Je remercie nos rapporteures pour cette présentation fidèle à nos huit mois de travaux. J'en viens à ma contribution.
Il paraît essentiel aujourd'hui de concevoir un nouveau service national, obligatoire et inscrit dans la durée, qui permette de s'assurer de l'engagement des jeunes au service du pays, d'apporter une réponse à ceux qui sont en difficulté, d'affermir la cohésion nationale et de faire renaître le sens du devoir et le respect de l'autorité. En complément des propositions des rapporteures, il est possible d'imaginer un dispositif plus long, plus complet, plus émancipateur, plus utile aux jeunes et à la société. Hors du cadre scolaire, où pourraient être conduites les actions proposées par le rapport, il faut donc instaurer un service national obligatoire en deux temps, reposant d'une part sur une période de douze jours en internat, sous encadrement militaire, et d'autre part sur une forte incitation à un temps long d'engagement, « au service de ». Une telle politique a un coût, mais ne craignons pas d'être ambitieux !
S'agissant de ses objectifs, le service national universel a vocation à former des citoyens. Pour être accepté, il se doit d'être porteur de sens et de présenter une utilité immédiate pour les jeunes et pour la société. Sa réalisation doit être valorisée par la délivrance d'un certificat de participation, et ceux qui le réalisent identifiés au sein de la population par le port d'un uniforme ou d'un signe distinctif. Obligatoire, il se doit d'être émancipateur et inclusif, par son ouverture à tous les jeunes Français, sans dérogation possible. Le temps du service national devrait être un temps d'apprentissage, de la citoyenneté bien sûr, mais aussi de nombre de valeurs aujourd'hui au coeur des dispositifs existants : cohésion, courage, bienveillance, liberté, respect, devoir de mémoire, exemplarité, humilité, probité, dévouement, solidarité, responsabilité, sens du devoir, résilience, goût de l'effort.
La réalisation du service national doit être l'occasion d'un réel brassage social et territorial, à même de rendre palpable la République, les droits qu'elle prodigue et, surtout, les devoirs qu'il incombe à chaque citoyen de remplir.
Le service national universel doit s'appuyer sur les dispositifs existants. En ce sens, il est indispensable de renforcer l'enseignement de défense dispensé dans le cadre scolaire, conformément aux préconisations des rapporteures. Au-delà, nous devons nous montrer plus ambitieux.
Pourrait être instituée, à 18 ans, une préparation militaire de douze jours. Il est proposé d'organiser quatre cycles de formation de douze jours durant les vacances d'été, à destination des 800 000 jeunes d'une classe d'âge, l'été suivant leur dix-huitième anniversaire. Cette période d'internat se déroulerait dans les internats des lycées français, qui offrent une capacité d'hébergement de 220 000 lits. Cette formation, qui s'inspirerait en partie de celle délivrée aux jeunes engagés dans la Garde nationale ou dispensée par la gendarmerie nationale reposerait sur trois piliers : un pilier « bilan », un pilier « information », un pilier « formation ». Cette formation se déroulerait du lundi matin au vendredi de la semaine suivante, le week-end étant dédié à une sortie de terrain. Le coût de cette phase est évalué à environ 610 millions d'euros par an.
Deuxième temps : jusqu'à 25 ans un temps « au service de ». Les jeunes seraient incités, avant leur vingt-sixième anniversaire, à effectuer un service d'une durée longue, de six mois minimum, auprès d'une structure agréée, qu'il s'agisse par exemple des armées, d'une collectivité territoriale, d'un établissement de santé, des acteurs du secteur associatif ou encore des entreprises.
Ce volet citoyen compléterait utilement la formation militaire initiale et rendrait concrète l'expérience de l'engagement. Il est indispensable d'inscrire un tel service dans la durée, afin de permettre aux jeunes engagés de vivre une véritable expérience de vie, leur permettant de se confronter à un environnement différent, de s'investir sur un projet de long terme et ainsi de s'émanciper pleinement. L'engagement dans l'un des dispositifs actuels – service civique, EPIDE ou autre – serait validé au titre de cette phase. Son contournement pourrait par ailleurs être sanctionné par une majoration fiscale, comme cela se pratique en Suisse, ou la création d'une taxe spécifique. Il ne s'agit pas de savoir si cette phase du SNU sera obligatoire, mais plutôt de faire en sorte que chaque jeune sente l'intérêt de l'effectuer grâce à la validation de son utilité et de ses débouchés. S'agissant du coût pour l'État, il est possible de l'estimer à 1,75 milliard d'euros par an, l'investissement de l'État en faveur du service civique étant déjà de 448 millions d'euros pour 150 000 jeunes en 2018.
Le projet que je vous ai présenté est ambitieux et représente un coût non négligeable. Il convient toutefois de l'apprécier au regard du coût social de l'exclusion d'une partie de la jeunesse, qui tôt ou tard doit être assumé par la puissance publique. Ainsi estime-t-on que le coût d'un décrocheur est de 230 000 euros pour la société jusqu'à son insertion, soit une facture de 22 milliards d'euros supplémentaires par an. Dans ces conditions, l'investissement de l'État au profit d'un tel service serait largement compensé. Au-delà, ce service, par l'inculcation des valeurs de la République et l'expérience de vie qu'il représente, donnera l'opportunité à chaque jeune de se mettre au service de la collectivité, dont il se sentira par la suite acteur.