Intervention de Marianne Dubois

Réunion du mercredi 14 février 2018 à 11h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarianne Dubois :

Nous avons eu l'idée d'un passeport citoyen, sorte de carte à points donnant eux-mêmes des droits. Ces droits seront en quelque sorte abondés par chaque engagement du jeune.

Concernant les risques juridiques, pour répondre à monsieur Fabien Gouttefarde, il convient bien de préciser avant toute chose que nous n'avons pas conclu à l'impossibilité dans l'absolu de tel ou tel scénario. Néanmoins, si la volonté politique peut briser des contraintes techniques ou budgétaires, elle ne peut s'exprimer que dans le respect du droit établi. C'est pourquoi nous avons tenté d'identifier les risques juridiques susceptibles de survenir, en l'état actuel du droit, s'agissant de l'établissement d'un service national universel. D'abord, il est important de souligner que le caractère obligatoire ne pose pas de difficulté en soi. En tant que législateur, nous passons une bonne partie de notre temps à créer des obligations. Il s'agit simplement d'assurer que de telles obligations respectent la hiérarchie des normes, dans l'ordre juridique national comme dans l'ordre juridique international. Dans ce contexte, nous avons identifié plusieurs risques et il ne nous a pas paru utile de les cacher sous le tapis. Ils concernent à la fois les mineurs et les majeurs.

S'agissant des majeurs, nous avons identifié deux risques, de nature constitutionnelle et conventionnelle. L'article 34 de la Constitution n'autorise le législateur à imposer des sujétions aux citoyens en leur personne et en leurs biens que pour la défense nationale. En somme, la constitutionnalité d'un service national universel ne serait assurée que si le juge constitutionnel admettait qu'il concourt à la défense nationale. Bien sûr, on peut penser que la notion de défense nationale revêt aujourd'hui une acception large. Mais nous ne nous estimons pas en mesure de préjuger de la position du Conseil constitutionnel sur un service obligatoire non militaire, c'est-à-dire qui n'aurait pas vocation à former des soldats. Il y a là un risque de censure constitutionnelle à ne pas négliger. De plus, il convient de se méfier d'une possible non-conformité d'un service national universel obligatoire mal ficelé au titre de l'article 4 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Cet article prohibe notamment le travail forcé. N'est néanmoins pas concerné un service de caractère militaire ou, dans le cas des objecteurs de conscience, un autre service à la place du service militaire obligatoire ou tout service requis dans le cas de crises ou de calamités qui menacent la vie ou le bien-être de la communauté. Aussi, il serait indispensable de démontrer que ce service est bien accompli en vertu de l'intérêt général, qu'il est de nature militaire ou permet de former la population en vue de lui permettre de servir en cas de crises ou de calamités. Il y a donc là une incertitude juridique à laquelle il convient d'accorder une vigilance extrême, car l'on ne pourrait bâtir un tel dispositif sans prendre davantage d'assurance sur l'attitude de la CEDH.

S'il faut avoir conscience de ces risques, rien n'empêche néanmoins de trouver des solutions. Ainsi, nous estimons deux pistes permettant d'assurer la conformité d'un service national universel obligatoire à la Constitution. Première piste : réviser la constitution. Le président de la République s'est dit prêt à le faire. Deuxième piste : soumettre à référendum le futur projet de loi relatif à la création du SNU, sur le fondement de l'article 11 de la Constitution. Dans une jurisprudence constante, le Conseil constitutionnel estime qu'il ne lui appartient pas de juger de la constitutionnalité des lois adoptées par le Peuple à la suite d'un référendum, car elles constituent l'expression directe de la souveraineté nationale. S'agissant du risque conventionnel, les solutions sont plus complexes à identifier…

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