Intervention de David Azéma

Réunion du jeudi 8 février 2018 à 11h00
Commission d'enquête chargée d'examiner les décisions de l'État en matière de politique industrielle, au regard des fusions d'entreprises intervenues récemment, notamment dans les cas d'alstom, d'alcatel et de stx, ainsi que les moyens susceptibles de protéger nos fleurons industriels nationaux dans un contexte commercial mondialisé

David Azéma, ancien directeur général de l'Agence des participations de l'État :

Était-ce, au départ, une alliance entre égaux ? Il existe deux façons de lire ce qui s'est produit durant ces quelques semaines d'intenses négociations.

La première chose qui a été faite a été de prendre le décret. Je dois avouer que nos conseils juridiques ont été très précieux en nous convainquant de le faire – bien qu'il n'y eût pas, de l'avis général, de risque juridique majeur du côté de Bruxelles – et de se donner ainsi les moyens d'un rapport de force.

Il faut en effet se souvenir que l'accord qui était négocié entre la direction d'Alstom et General Electric était un accord que je qualifierais d'« irrésistible » pour un conseil d'administration : GE s'engageait à payer un prix élevé, et s'il sortait des négociations, à acquitter ce que l'on appelle un break-up fees, une forte pénalité. Le groupe avait donc accepté de se lier les mains sur son offre. Cela plaçait le conseil dans la position, s'il rejetait l'offre, d'avoir à s'en expliquer auprès de la communauté des actionnaires : il ne faut jamais oublier qu'un administrateur est tenu, même si cela est moins vrai que dans le droit anglo-saxon, de faire monter les prix.

La situation était donc très compliquée. Il fallait établir un rapport de force pour que le conseil prenne conscience qu'une circonstance faisait qu'il était plus dangereux pour l'entreprise d'aller dans ce deal que de ne pas y aller : si le Gouvernement français bloquait la transaction, on se retrouvait sans rien, avec une entreprise abîmée. Il leur fallait donc mettre en regard de cet accord apparemment irrésistible, un autre scénario, dangereux pour l'entreprise.

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