Intervention de David Azéma

Réunion du jeudi 8 février 2018 à 11h00
Commission d'enquête chargée d'examiner les décisions de l'État en matière de politique industrielle, au regard des fusions d'entreprises intervenues récemment, notamment dans les cas d'alstom, d'alcatel et de stx, ainsi que les moyens susceptibles de protéger nos fleurons industriels nationaux dans un contexte commercial mondialisé

David Azéma, ancien directeur général de l'Agence des participations de l'État :

Oui, mais la décision de refus doit être motivée au regard d'un certain nombre de principes. Jusque-là, n'étaient concernées que les activités liées aux jeux d'argent, à la sécurité et à la défense nationale. Le décret de 2014 a élargi le champ aux domaines de la santé, de l'énergie, des transports et des télécommunications.

Je ne sais pas si nous aurions pu nous passer de ce décret, mais j'ai constaté que sa publication avait changé l'état d'esprit des parties dans la négociation. Peut-être était-ce juridiquement un bluff, mais lorsque l'on se trouve dans un rapport de forces, il faut jouer avec le maximum de munitions. Et en l'occurrence, cela a véritablement changé la donne.

Ce n'était pas une alliance entre égaux, dans la mesure où il s'agissait de l'acquisition de l'activité Énergie d'Alstom par General Electric. Nous avons tenté de rétablir un certain équilibre dans la transaction. Nous avons cherché une alternative pour sortir du piège « GE ou rien ». Je pense que tous les ministres impliqués dans cette discussion ont eu à se poser la question de ce que seraient les conséquences d'un rejet de l'opération, sans alternative.

La question n'était pas de choisir entre trois options : General Electric, Siemens-Mitsubishi, ou ne rien faire, mais de savoir si l'on pouvait « tirer la prise », si je puis dire, et si Alstom Énergie ne sortirait pas très affaiblie de cette opération. On ne peut jamais savoir, mais les acteurs publics ont dû se dire qu'ils avaient entre les mains un instrument de pression qui s'apparentait à une forme de dissuasion nucléaire : que se passerait-il pour Alstom si on en faisait l'usage ?

D'où la recherche d'une solution alternative. Nous avons passé de longues heures à discuter avec Siemens et Mitsubishi. Pourquoi Mitsubishi, alors que, de l'autre côté, il n'y avait que General Electric ? Je crois me souvenir qu'il existait un problème d'antitrust aigu entre Siemens et Alstom Énergie, et que seule l'intervention d'un tiers prenant la partie potentiellement concernée par la législation antitrust, rendait possible cette solution.

Cette solution alternative a parfois été schématisée de la façon suivante : on accepte que l'activité « Énergie » passe sous contrôle étranger ; en contrepartie, on construit un Airbus du transport ferroviaire grâce à l'apport, par Siemens, de ses activités rolling stock et signalisation. Ce dont je me souviens, c'est que nous ne sommes jamais allés jusqu'à obtenir le contrôle d'Alstom sur l'activité « Signalisation » de Siemens.

Nous avions un accord de Siemens pour la partie rolling stock. Mais pour la partie « Signalisation » – l'activité la plus valorisée et la plus importante d'un point de vue stratégique –, Siemens n'était pas prêt à faire les concessions qui auraient permis de convaincre le conseil d'Alstom que cette opération tenait la route face à l'opération « irrésistible » avec General Electric, quand bien même le Gouvernement pouvait bloquer les choses.

Je dois le reconnaître, nous n'avons pas réussi à construire cette solution alternative, malgré tout le temps et l'énergie considérable que nous y avons consacrés.

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