Intervention de Guillaume Kasbarian

Réunion du jeudi 8 février 2018 à 11h00
Commission d'enquête chargée d'examiner les décisions de l'État en matière de politique industrielle, au regard des fusions d'entreprises intervenues récemment, notamment dans les cas d'alstom, d'alcatel et de stx, ainsi que les moyens susceptibles de protéger nos fleurons industriels nationaux dans un contexte commercial mondialisé

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuillaume Kasbarian, rapporteur :

Merci pour votre présentation, pour les analyses que vous avez partagées avec nous, notamment en ce qui concerne l'État actionnaire, et pour les principes essentiels que vous avez rappelés, car il est toujours bon de les entendre : le cours des actions évolue et ce ne sont pas nécessairement les actifs les plus liquides. On a parfois du mal à sortir du capital d'une entreprise.

J'aimerais revenir sur votre note pour l'Institut Montaigne qui s'intitule : « L'impossible État actionnaire ? ». Comme vous l'avez dit tout à l'heure, de nombreuses puissances économiques ont une politique industrielle forte, visant à défendre des intérêts stratégiques, mais ne détiennent pas de participations directes dans le capital des entreprises. Vous le soulignez également dans votre note : « De nombreux États, au premier rang desquels nos plus importants alliés au sein de l'OTAN, les États-Unis et la Grande-Bretagne, ne jugent aucunement nécessaire d'être au capital de leurs fournisseurs militaires ».

C'est très vrai. Certains États apportent néanmoins un soutien financier direct à des entreprises qu'ils jugent stratégiques. Je pense à la Chine : dans le secteur des télécoms, par exemple, l'État finance des entreprises au moyen de lignes de crédit parfois assez conséquentes. Cela donne à ces entreprises une véritable puissance de frappe : elles se positionnent sur des appels d'offres à l'étranger en proposant des prix extrêmement compétitifs grâce à leur marge de manoeuvre financière. Elles ont les reins solides et peuvent donc « acheter » des appels d'offres. Outre ce que vous avez dit sur l'État actionnaire – je souscris en grande partie à vos propos –, que fait-on lorsqu'un État étranger soutient des entreprises en leur octroyant du cash ou des lignes de crédit, et leur permet ainsi d'être compétitives au plan international ? N'est-ce pas une situation de concurrence déloyale que personne, pas même chez les libéraux, ne peut décemment accepter ?

Ma deuxième question porte sur le cadre européen que vous appelez de vos voeux en tant qu'instrument de protection, visée que je partage. Pouvez-vous néanmoins préciser ce qu'est une entreprise stratégique au niveau européen ? L'Europe est-elle vraiment capable de s'entendre sur un cadre commun ou une définition commune ? Une entreprise stratégique en France l'est-elle aussi en Allemagne ou en Italie ? Peut-on trouver un dénominateur commun pour définir une entreprise stratégique ? Selon vous, va-t-on réellement y arriver ? En supposant que l'on parvienne à s'accorder sur ce qu'est un intérêt stratégique au niveau européen, quels outils préconisez-vous d'utiliser ? Doit-on s'inspirer d'instruments juridiques employés par d'autres pays, tels que les États-Unis, le Canada, la Chine ou d'autres partenaires commerciaux ? Quels outils préconiseriez-vous pour préserver les intérêts stratégiques européens ?

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