Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, à la suite de la Cour des comptes, dont Jacques Myard – mon premier co-rapporteur – et moi-même avions demandé l'assistance, nous avons établi une évaluation de la régulation des jeux d'argent et de hasard, présentée devant le comité d'évaluation et de contrôle de l'Assemblée nationale le 8 février 2017. Notre rapport d'information comprenait seize propositions, dont je me suis attaché, avec ma co-rapporteure de suivi, Olga Givernet, à examiner l'application.
On entend souvent dire que les préconisations des rapports parlementaires, notamment celles du comité d'évaluation et de contrôle, restent lettres mortes ou ne sont pas suivies d'effet. Or nous avons constaté avec satisfaction que neuf des seize propositions étaient d'ores et déjà appliquées ou en voie de l'être : elles permettent de mieux lutter contre le blanchiment dans les points de vente physiques de La Française des jeux et dans les casinos, de mieux lutter contre les manipulations de manifestations sportives et d'optimiser le programme et le calendrier des courses hippiques proposées aux parieurs. J'ai envie de dire, monsieur le ministre, que le droit de suite des rapports parlementaires, cela marche !
Inversement, sept préconisations restent inappliquées, dont certaines appellent des décisions politiques : il en est notamment ainsi, monsieur le ministre, de la consultation du fichier des interdits de jeu aux points de vente physiques du PMU et de La Française des jeux, de la création d'un comité interministériel des jeux d'argent et de hasard, et surtout, comme l'a dit Olga Givernet, de la création d'un régulateur unique, sous la forme d'une autorité administrative indépendante, qui pourrait résulter de l'extension des compétences de l'Autorité de régulation des jeux en ligne, l'ARJEL – même s'il serait tout à fait possible d'envisager deux collèges de régulation distincts, l'un pour le secteur des jeux en concurrence et l'autre pour celui du monopole.
Pour ce qui est du renforcement de l'interdiction du jeu aux mineurs, que pensez-vous de l'idée d'exiger des détaillants qu'ils demandent au joueur une pièce d'identité dès lors qu'il y a un doute sur son âge, sachant que cette disposition existe déjà dans la réglementation prohibant la vente d'alcool et de tabac aux mineurs ?
En ce qui concerne les améliorations à apporter aux politiques publiques de traitement du jeu problématique, le rapport d'information initial a noté, et le nouveau le rappelle, que la pratique du jeu s'intensifie : les joueurs – 56 % des Français – jouent plus souvent et misent davantage, pour des enjeux atteignant 45 milliards d'euros par an. En ce qui concerne l'addiction, le nombre de joueurs excessifs reste stable depuis cinq ans, mais le nombre de joueurs à risque modéré a été multiplié par 2,5 sur la même période, et le problème touche 1 million de personnes. Néanmoins, nous ne disposons toujours pas d'études d'évaluation socio-économiques sur les dommages causés par la pratique du jeu excessif : le chômage, le divorce, la dégradation de l'état de santé, le surendettement, le suicide, etc. Il a été proposé de mener une étude scientifique sur le coût social du jeu problématique, sous l'égide de l'Observatoire des jeux. Ou en sommes-nous, monsieur le ministre, dans le financement de cette étude ? Peut-on espérer une implication plus forte du ministère de la santé ?
Je souhaite aussi appeler votre attention sur deux points de vigilance.
Premièrement, la baisse du nombre de paris sportifs en point de vente observée depuis 2017, au profit des paris sportifs en ligne, rend nécessaire une réflexion des régulateurs à propos d'une éventuelle hausse du taux de retour aux joueurs sur les paris en dur par rapport aux joueurs sur les paris en ligne, sachant qu'il y a dorénavant près de dix points d'écart. Y seriez-vous favorable, monsieur le ministre ? Vous engagez-vous à lancer l'expérimentation – qui a pris beaucoup de retard – des paris sportifs événementiels dans certains points de vente de La Française des jeux, ce qui permettrait au passage une meilleure identification des joueurs ?
Deuxièmement, dans ce pays, une régulation forte et puissante sur les jeux d'argent et de hasard est indispensable, d'autant plus qu'il est question d'ouvrir le capital de La Française des jeux. Cette opération nous interroge fortement : comment rendre compatible un actionnariat privé avec les obligations et les missions de service public, qui constitue la contrepartie à la reconnaissance du monopole ? Si l'actionnariat public est dominant aujourd'hui – l'État détenant 72 % du capital et le reste étant réparti entre les salariés et les associations d'anciens combattants – , ce qui favorise une certaine autolimitation, notamment dans la recherche de nouveaux jeux favorisant l'addiction, il n'en ira peut-être pas de même avec des actionnaires privés, davantage axés sur la maximisation de la rentabilité de l'entreprise et le retour sur investissement.