Intervention de Fabien Roussel

Réunion du mercredi 21 février 2018 à 9h35
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFabien Roussel, rapporteur :

Monsieur Lassalle, vous avez raison. Le niveau d'action retenu pour établir une liste des paradis fiscaux semble ne jamais être le bon, ou alors être impraticable. Le monde ? L'Union européenne ? La France ? Au niveau européen, les dispositions adoptées sont floues et légères. Nous nous trouvons en fait au pied du mur. Vos interventions, chers collègues, me sont un encouragement à poursuivre dans la voie où je me suis engagé, de sorte que l'Assemblée nationale adopte ce texte, une fois apportées les précisions nécessaires.

Monsieur Grau, sachez que cette proposition de loi a vocation à s'intégrer dans le projet de loi du Gouvernement sur la fraude et l'évasion fiscales. J'ai vu les conseillers du Gouvernement qui travaillent sur le sujet ; ils m'ont assuré que le projet de loi comportera une partie consacrée à l'établissement d'une liste noire française des paradis fiscaux. Ne soyons donc pas frileux sur un sujet que le Gouvernement lui-même veut pousser loin. Avec les amendements et les précisions nécessaires, cette proposition de loi pourra s'intégrer dans son projet. Le Gouvernement donnerait ainsi un signe et montrerait que la majorité sait travailler avec l'opposition, comme l'a évoqué notre collègue Éric Coquerel. Cela me semble particulièrement important sur un sujet comme celui-là.

J'en viens à certaines remarques qui ont été formulées.

D'abord, je souligne qu'il faut être intraitable et que les mesures prises jusqu'à présent pèchent en matière d'évasion fiscale. La liste de l'Union européenne est suspectée de ne pas être complète et d'avoir été établie dans une certaine opacité. Madame Louwagie, messieurs de Courson et Vigier, vous attirez quant à vous notre attention sur le risque d'un isolement de la France : rien ne serait possible sans une initiative mondiale, que nous devons attendre, mais qui ne vient pas... C'est un cercle vicieux !

Tout député communiste que je sois, je propose dans mon texte des critères qui sont strictement ceux définis par l'Union européenne. L'un des trois critères définis par l'Union européenne est celui de l'équité fiscale. Dans ma proposition, j'ai traduit cette notion en m'appuyant sur le concept de « pratiques fiscales dommageables ». Ce ne serait pas assez précis ? Au contraire, ce l'est peut-être trop. Les sept critères dont je me sers pour définir ces dernières sont eux-mêmes directement inspirés du code de conduite signé par les États membres de l'Union européenne en 1997. Ils sont donc loin d'avoir été dictés par un journaliste économique de L'Humanité ! Je n'ai vraiment rien inventé. Je me contente seulement d'inscrire dans le droit ces engagements pris par les États membres.

Si nous sommes ainsi assez précis sur certains domaines, nous manquons de précisions dans d'autres. Les sanctions prévues ne pourraient-elles en effet être adaptées, si elles sont trop fortes, ou du moins trop fortes au regard de tel ou tel comportement incriminé ? En effet, ce qui me semble le plus grave, c'est de permettre à des bénéfices d'être défiscalisés offshore. Voilà le pire. Mais reconnaître un statut de non-résident fiscal me paraît appeler des sanctions moindres. Il y a donc une graduation à effectuer.

J'espère en tout cas que ce texte recueillera une quasi-unanimité, qu'il sera accepté par le Gouvernement et intégré à son projet de loi.

Je reviens sur l'aspect bancaire. La notion de liberté d'entreprendre domine le droit constitutionnel, exposant la proposition de loi à une censure possible du Conseil constitutionnel. Mais, par un amendement que je vous présenterai, j'ai justement apporté des précisions pour parer à cette éventualité. En vertu de cette disposition, les établissements bancaires pourraient exercer partout dans le monde, y compris dans les ETNC, mais comme ils doivent, en vertu de la législation bancaire française, faire remonter des informations sur leur activité ou sur leurs résultats, ils pourraient être condamnés si leurs pratiques fiscales s'avéraient dommageables.

Nous avons rencontré un lanceur d'alerte qui a travaillé pour l'Union de banques suisses (UBS). Il nous a expliqué comment les banques font pour se soustraire à leur obligation de faire remonter leurs données à l'administration fiscale nationale quand elles s'installent dans ces pays. Elles ouvrent une filiale sous forme de société anonyme – la Société générale SA, par exemple – qui relèvera du droit local et n'aura donc pas d'information à faire remonter à l'administration fiscale. Et le tour est joué.

Dans ces conditions, nous devons interdire aux banques installées dans ces pays de créer des sociétés anonymes, et faire en sorte que la totalité de leur activité remonte à l'administration fiscale, conformément au droit en vigueur, ni plus ni moins. Il faut lutter contre cette opacité qui tue notre économie et permet toutes les pratiques. Cet article prévoit donc d'interdire aux banques installées dans ces États de créer des sociétés anonymes.

Comment définir le niveau de pratiques fiscales dommageables ? Cette notion figure dans le code de conduite signé par les États de l'Union européenne en 1997, où il est question de tendre vers une harmonisation, de lutter contre les pratiques fiscales dommageables et d'éviter que des pays de l'Union européenne pratiquent des taux d'imposition de 0,5 % comme c'est actuellement le cas.

Par le biais d'un amendement, nous proposons de préciser cette notion. Nous proposons d'indiquer qu'une pratique est dommageable sur le plan fiscal quand le taux d'imposition est inférieur de plus de la moitié au taux moyen de l'Union européenne. Il s'agit d'inciter les pays de l'Union européenne à tendre vers cette moyenne – et donc vers l'harmonisation –, afin qu'il n'y ait plus d'endroits où les sociétés bénéficient d'un taux d'impôts sur les bénéfices de 0,5 %.

Voyez que le député communiste que je suis s'est largement inspiré de critères de l'Union européenne, dont j'ai combattu et continue de combattre les traités, mais dont je trouve justes les chartes et les codes de bonne conduite signés par les États membres, et que propose même d'inscrire dans notre droit, dans notre législation nationale.

Puisque tous les groupes ont salué notre démarche, adoptons ces mesures concrètes de lutte contre les paradis fiscaux.

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