Intervention de Jean-Yves le Déaut

Réunion du jeudi 14 décembre 2017 à 9h40
Commission des affaires économiques

Jean-Yves le Déaut, député honoraire, ancien président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques :

Il m'a été demandé de présenter le bilan des auditions menées en mai 2016 et en février 2017. Je présidais cette dernière pour le compte de l'OPECST. L'Office parlementaire a toujours été dans son rôle d'évaluation, aujourd'hui comme à l'origine dans les années 1990, en organisant des auditions dites « publiques et contradictoires », permettant de confronter les points de vue de l'ensemble des parties prenantes. À notre sens, la décision politique doit, en effet, s'appuyer sur l'état des connaissances scientifiques, ce qui requiert une confrontation des points de vue. Les divergences et les inquiétudes doivent pouvoir s'exprimer. Nous avons pu, sur de nombreux sujets, voir des consensus s'opérer. J'assume donc, en tant qu'ancien président de cet Office, ce travail collectif que le Parlement, Assemblée nationale et Sénat, a été capable d'effectuer.

L'audition de février 2017 s'était concentrée sur les impacts du compteur Linky sur la santé, à l'occasion de la publication, en 2016, du rapport technique définitif de l'Agence nationale des fréquences. Aujourd'hui, huit millions de compteurs Linky sont installés. On estime qu'ils seront dix-sept millions fin 2018, l'objectif à terme étant de trente-cinq millions. Chaque heure, des informations sur la consommation réelle des consommateurs sont déjà transmises à Enedis.

La première question que je poserais personnellement concerne ce qu'il advient de ces informations. Il semblerait, en effet, qu'aujourd'hui, pour des questions de protection des données personnelles, ces informations ne soient pas exploitées. Or, pour que ce dispositif joue un rôle, en termes d'efficacité énergétique, il faudrait qu'elles le soient. L'exploitation optimale des données Linky est essentielle pour mieux gérer le réseau et la transition énergétique dans notre pays. Si ceci n'est pas mis en oeuvre, comme plusieurs auditions de l'Office l'ont montré, les géants du web, les célèbres GAFAM, s'en occuperont pour nous. Le consommateur a intérêt à avoir régulièrement des relevés de sa consommation, et doit pouvoir la suivre sur Internet, avoir une facturation de sa consommation réelle, et bénéficier de dépannages plus rapides.

La deuxième question envisagée est celle des impacts sur la santé. Il s'agit d'un vrai sujet d'inquiétude pour nos concitoyens. Il avait toutefois été indiqué, en conclusion de la table ronde de février 2017, qu'il n'y avait pas lieu de s'inquiéter, car il n'y avait pas d'exposition significative du public dans son environnement domestique. Nous vivons dans un monde d'ondes électromagnétiques, que certaines personnes, qualifiées d'« électrosensibles », supportent mal. Mais je pense que, là encore, l'évaluation doit primer sur tout le reste. Quand on mène des études sur les compteurs Linky, en faisant comme s'ils étaient installés à l'intérieur d'une maison, bien que l'on préconise de les mettre le plus loin possible, il apparaît que le niveau d'exposition est de l'ordre de 0,1 volt à 0,2 volt par mètre alors que, pour d'autres appareils ménagers comme les ampoules à basse consommation, il est trente fois supérieur. Pour des plaques électriques à induction, il est, à la même distance, cinquante fois plus élevé. Ceci signifie que, dans ce monde d'ondes électromagnétiques, il faut effectivement voir comment elles se comportent les unes par rapport aux autres, et faire des mesures. Je pense qu'il est essentiel d'entendre la préoccupation des usagers, qui sont tous consommateurs d'énergie. Dans nos sociétés modernes, cette pollution électromagnétique est une réalité. Aussi des études doivent-elles être conduites à ce propos. Il avait été question, à un moment, d'études de provocation, qui permettraient de bien mesurer l'effet des ondes électromagnétiques.

Je voudrais également indiquer, concernant l'aspect juridique, que la mission d'information sur l'application de la loi de transition énergétique a notamment relevé que le déploiement était conforme aux dispositions européennes.

Je conclurai en disant que la décision publique doit toujours se fonder sur une balance entre les bénéfices et les risques. Il serait sans doute souhaitable que les recherches relatives aux effets des ondes électromagnétiques sur la santé soient encouragées. C'était d'ailleurs l'une de nos recommandations. On voit bien que toutes les innovations technologiques de ces dernières années ont contribué à accroître la présence de ces ondes dans notre environnement. Mais le grand sujet de demain est celui de la sobriété énergétique. Il passe en partie par la promotion de l'intelligence électrique, d'une meilleure gestion des réseaux. Les compteurs Linky peuvent y contribuer, mais les opérateurs doivent être totalement transparents.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.