Les compteurs intelligents sont effectivement l'un des sujets et des enjeux majeurs que nous avons à traiter, maintenant et dans les prochains mois et années.
Le déploiement de ces compteurs découle d'objectifs européens, fixés par les directives de 2009 sur les marchés intérieurs du gaz et de l'électricité, et la directive de 2012 sur l'efficacité énergétique. Ces textes ont ensuite été transposés en droit français, dans le code de l'énergie.
Linky dans le domaine électrique et Gazpar pour le gaz revêtent des dimensions techniques, financières, et industrielles exceptionnelles pour les gestionnaires de réseaux. Linky représente, en effet, trente-cinq millions de compteurs, pour un coût d'investissement de l'ordre de cinq milliards d'euros, et Gazpar onze millions de compteurs à déployer, pour un budget d'investissement de l'ordre du milliard d'euros.
Mais au-delà de ces enjeux pour les gestionnaires de réseaux, ces projets constituent surtout un outil essentiel pour la transition énergétique, avec des bénéfices attendus pour l'ensemble des acteurs concernés. Tout d'abord pour les gestionnaires de réseaux, puisque l'on peut attendre une diminution des coûts de certaines interventions, qui ne nécessiteront plus de déplacements, mais aussi une meilleure connaissance des réseaux et des flux sur ces réseaux, ce qui permettra une plus grande anticipation, et davantage de réactivité, donc une amélioration de la qualité de service pour la collectivité. Les consommateurs auront, quant à eux, accès à une vision fine de leur consommation, ce qui constitue un élément essentiel à la mise en oeuvre de mesures de maîtrise de leur demande en énergie. Ils en retireront aussi des bénéfices très directs, avec le raccourcissement de certains délais pour diverses opérations, et le fait, par exemple, de ne plus avoir à rester chez soi pour attendre la relève des compteurs, certaines opérations pouvant être effectuées à distance. Les fournisseurs bénéficieront également de ces nouveaux compteurs, avec la possibilité de proposer des offres plus fines, plus innovantes, répondant mieux aux attentes des consommateurs que ne le permettent les compteurs actuels. Les producteurs en tireront également avantage : avec Linky, les auto-consommateurs pourront n'avoir qu'un seul compteur, qui comptabilisera à la fois les injections et les soutirages de courant électrique, ce qui est impossible avec les compteurs classiques.
Après ces propos introductifs sur les enjeux de ces projets, je vous propose d'essayer de synthétiser le rôle de la CRE dans leur mise en oeuvre. Celui-ci s'est tout d'abord traduit par une implication très en amont, visant à définir collectivement les fonctionnalités de ces compteurs. Dès 2005 en électricité et dès 2008 en gaz, des travaux ont été lancés, dans le cadre des groupes de concertation, pilotés par le CRE, dans le but de définir de manière collective quels devaient être les services rendus par ces compteurs intelligents. Ces travaux ont permis à la CRE, dès 2007 pour l'électricité et dès 2009 pour le gaz, de définir les fonctionnalités de ces systèmes de comptage intelligents, notamment la question de la relève à distance, ou le fait que ces compteurs permettent la transmission d'index mensuels de consommation, et non plus semestriels, comme c'est le cas aujourd'hui.
La deuxième mission de la CRE a été de mener des analyses coût-bénéfice de ces projets, dès 2007 pour Linky, actualisées en 2011, et en 2013 pour Gazpar, pour décider de leur généralisation ou y renoncer. Pour l'électricité, le cadre règlementaire, défini sur proposition de la CRE, prévoit que l'ensemble des gestionnaires de réseaux, c'est-à-dire Enedis, mais aussi toutes les entreprises locales de distribution (ELD) ayant plus de 100 000 clients, devront proposer des projets de déploiement de compteurs intelligents. La CRE a pour mission de s'assurer que cela sera bien effectué, et de mettre en oeuvre le cadre de régulation incitatif s'y rapportant. Pour le gaz naturel, le cadre est différent. La CRE a déjà proposé au ministre d'approuver et de mettre en oeuvre le déploiement de Gazpar pour GRDF. Les ELD ayant la volonté de déployer ces compteurs doivent également proposer leur projet à la CRE, qui mène alors une analyse coût-bénéfice, et en recommande ou non la mise en oeuvre au ministre. La CRE vient d'exercer cette compétence pour deux ELD en gaz, à savoir Gaz Électricité de Grenoble (GEG) et Régaz Bordeaux, et de recommander au ministre en charge de l'énergie, par une délibération du mois dernier, d'approuver le déploiement de ces compteurs par ces deux ELD.
La CRE a, enfin, pour mission de veiller à la mise en oeuvre efficace de ces projets, une fois la décision de déploiement prise. Elle doit s'assurer que les gestionnaires de réseaux mettent en oeuvre ces projets de manière efficace. Ainsi, la CRE a, dès 2014, pris des délibérations pour Linky et Gazpar, fixant un cadre de régulation incitative, qui encourage les gestionnaires de réseaux à déployer ces compteurs dans les délais, selon les coûts anticipés, ainsi qu'à faire en sorte qu'une fois mis en place, ils délivrent les bénéfices attendus et permettent d'atteindre les niveaux de performances souhaités.