Je souhaiterais revenir sur la question des conditions permettant d'espérer que les données produites par ces dispositifs, ou tout autre système de gestion de l'énergie, seront employés à des fins utiles aux personnes et, plus globalement, à la société. Je me souviens avoir animé trois ou quatre grands débats sur la maîtrise de la demande énergétique, au moins pour la partie se déroulant sur Internet. J'ai consulté, pour cela, de nombreuses études, en particulier des travaux conduits par EDF R&D, sur l'impact de deux situations différentes en matière de déploiement des énergies renouvelables chez les usagers, notamment les panneaux solaires : d'une part, une situation assez rare, dans laquelle l'énergie produite est directement utilisée, et, d'autre part, la situation de référence, où l'énergie produite est vendue au fournisseur d'énergie et où de l'énergie est rachetée pour couvrir les besoins. Ces études montraient que, dans le cas où l'on pouvait utiliser directement l'énergie produite, la réduction de consommation énergétique était considérablement plus importante que lorsque l'on avait vendu l'énergie au fournisseur d'électricité, pour ensuite lui en racheter. Cette disparité est profondément liée à la question du contrôle de la capacité d'agir. Les vraies actions de maîtrise de la demande énergétique, surtout lorsqu'elles doivent être collectives, se déroulent dans la sphère non marchande. Il y a là une contradiction profonde entre le projet du Big Data, dans lequel les données sont découpées, puis vendues en petits morceaux, et partagées avec n'importe qui, pour n'importe quoi, et des projets maîtrisés, dans lesquels on donne aux gens des éléments de contexte sur la manière dont les données sont produites, et la capacité de les utiliser, avec un débat sur les finalités de cette utilisation.