Intervention de Jean-Paul Bodin

Réunion du mercredi 14 février 2018 à 17h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Jean-Paul Bodin, secrétaire général pour l'administration du ministère de la défense :

Monsieur le président, Mesdames, Messieurs les députés, après six mois de travail intense, le projet de loi de programmation militaire (LPM) est à présent soumis à la discussion puis au vote de la représentation nationale. Cette LPM de « renouveau », comme l'a qualifiée la ministre des Armées, a bénéficié de deux facteurs favorables : une bonne articulation avec la revue stratégique, dont nous avons tiré le maximum d'enseignements ; un cadre défini par la loi de programmation des finances publiques (LPFP) du 22 janvier 2018, qui nous a donné une trajectoire pour les crédits et les effectifs, ce qui nous a facilité la tâche par rapport aux deux précédentes LPM.

Dans un contexte de maîtrise des finances publiques, force est de reconnaître l'effort très important que consacre la nation à son outil de défense.

Cette LPM est centrée sur deux ambitions principales : consolider nos armées en leur redonnant les moyens de remplir durablement leurs missions par la régénération des équipements, la modernisation des capacités et l'amélioration des conditions de vie et d'exercice du métier ; préparer la défense de la France pour demain, ce qui passe notamment par un effort d'innovation, qui est un chantier prioritaire de la ministre.

Alors que les précédentes LPM ont mis l'accent sur les équipements, la présente loi vise à redonner dans la durée une base soutenable à un modèle d'armée complet et équilibré. Cette LPM dite « à hauteur d'homme » consacre d'importants efforts à la condition militaire et l'accompagnement social des personnels civils et militaires et de leur famille.

Le projet de loi comporte, dans son titre 2, un ensemble de « dispositions normatives intéressant la défense nationale » sur lesquelles la directrice des affaires juridiques reviendra plus en détail.

Elles concernent, tout d'abord, des leviers de gestion des ressources humaines civiles et militaires : expérimentations en matière de recrutement,; possibilité de servir dans la réserve, en congé pour convenances personnelles, dans le but d'élever un enfant ; révision des limites d'âge s'imposant à certaines catégories de personnel ; extension aux personnels à statut ouvrier des règles applicables aux fonctionnaires en matière de cumul d'activités ; retour sur l'ensemble des dispositifs d'aide au départ.

Elles regroupent des mesures en faveur du monde combattant et des victimes de guerre : extension du congé de reconversion à tous les militaires blessés en service, changement de statut du Conseil national des communes « Compagnon de la Libération », importante réforme du contentieux des pensions militaires d'invalidité qui va sortir des juridictions spéciales pour entrer dans la compétence des juridictions administratives.

Le titre 2 comporte également des dispositions favorisant le développement de la réserve opérationnelle. D'autres visent à étendre les droits politiques des militaires : désormais, les militaires de carrière pourront exercer un mandat de conseiller municipal dans les communes de moins 3 500 habitants, ce qui correspond à 90 % des communes. C'est une réponse à la décision du Conseil constitutionnel qui a considéré que l'incompatibilité générale de la fonction de militaire avec un mandat de conseiller municipal était excessive.

Certaines dispositions tiennent compte de l'émergence du champ numérique : mise en oeuvre de dispositifs de détection des attaques informatiques par les opérateurs de communications électroniques, excuse pénale des cyber-combattants.

À cela s'ajoute une adaptation des dispositions relatives aux marchés publics de défense ou de sécurité et des dispositifs de gestion du parc immobilier du ministère des Armées, avec la reconduction de certaines procédures dérogatoires.

Enfin, le Gouvernement sera habilité à légiférer par ordonnance pour divers sujets techniques – droit de l'armement, droit des installations nucléaires relevant de la défense, dispositions financières ou statutaires.

Le coeur de la loi est constitué par les ressources financières.

L'effort de défense a connu une érosion continue au cours des deux dernières décennies, en termes de part dans le PIB comme de part dans la dépense publique. Une première inflexion a été donnée, à la suite des attentats de novembre 2015, avec la décision d'actualiser la loi de programmation militaire. Cela a conduit à stabiliser l'effort de défense à hauteur de 1,78 % du PIB et à interrompre les baisses d'effectifs. Le président de la République a fixé l'objectif d'un effort de défense à hauteur de 2 % du PIB à l'horizon 2025. Cet objectif a été intégré dans la loi. Cette impulsion s'est traduite dès 2018 par l'augmentation de 1,8 milliard d'euros des ressources de la mission « Défense ». Le budget s'élève à 34,2 milliards d'euros, hors recettes issues de cessions, contre 32,4 milliards dans la loi de finances initiale pour 2017. L'effort de défense de la Nation atteindra 1,82 % du PIB en 2018. Cette progression se poursuivra avec des marches de 1,7 milliard d'euros chaque année jusqu'en 2022 et de 3 milliards d'euros en 2023. À compter de 2024, la programmation s'appuiera sur un niveau de ressources qui sera l'objet d'arbitrages complémentaires lors de l'actualisation de la présente loi en 2021.

Sur le périmètre de la mission « Défense », les ressources programmées hors pensions s'élèveront à 197,8 milliards d'euros courants de crédits budgétaires sur la période 2019-2023 et 294,8 milliards sur la période 2019-2025. Les ressources sont programmées en crédits budgétaires uniquement et ne comprennent pas de ressources exceptionnelles.

La programmation des ressources financières est sincère. En effet, le présent projet de loi ajuste la provision OPEX-MISSINT – opérations extérieures et missions intérieures – annuelle prévue en loi de finances initiale pour la porter à 850 millions d'euros en 2019 puis à 1,1 milliard d'euros par an à partir de 2020, contre 450 millions d'euros dans la précédente loi de programmation. Elle accroît également les crédits de masse salariale prévus au titre des missions intérieures à 100 millions d'euros par an, dès 2018, en gestion.

La loi prévoit que si les dépenses sont supérieures au plafond prévu, elles feront l'objet d'un financement interministériel et que, si elles sont inférieures, le ministère pourra conserver la différence.

En outre, la LPM inclut un objectif de résorption progressive du report de charges, c'est-à-dire les dépenses correspondant à un service effectué, certifié au titre de l'exercice précédent, mais dont le paiement n'est pas intervenu. Le report de charges atteignait 2,9 milliards d'euros à la fin de l'année 2017. Il devrait s'accroître, compte tenu de l'augmentation des crédits, mais l'objectif d'une limitation à 10 % des crédits hors masse salariale, soit environ 3,6 milliards d'euros, devrait être atteint à horizon 2025, avec un point de passage à 12 % en 2022.

Le rapport annexé au projet de LPM prévoit que les dispositions de l'article 17 concernant les restes à payer ne contraindront pas la capacité d'investissement du ministère des Armées.

La LPM 2019-2025 repose sur des hypothèses structurantes. Si les modalités de financement des OPEX et MISSINT entraînent des surcoûts, cela aura des conséquences, tout comme l'éventuelle variation des indices économiques, du coût des carburants ou des infrastructures.

J'en viens aux effectifs.

La trajectoire prévoit la création de 1 500 équivalents temps plein (ETP) sur la période 2019-2022. À partir de 2023, le ministère bénéficiera d'une augmentation de ses effectifs de 1 500 emplois par an, soit une augmentation de 6 000 emplois sur la période 2019-2025. Le plafond d'emplois atteindra 271 936 ETP en 2023. Cette remontée en puissance permettra notamment de renforcer le renseignement, la cyberdéfense et l'action dans le domaine du numérique, à hauteur de 50 % des emplois créés, ainsi que le soutien aux exportations, ce qui bénéficiera à la direction générale de l'armement (DGA). Les effectifs des services de soutien devraient rester stables. Le secrétariat général pour l'administration (SGA) connaîtra entre 2019 et 2025 une augmentation qui ne sera que de cinquante emplois, ce qui nous pousse à nous interroger sur nos modes de fonctionnement et sur d'éventuelles externalisations d'activités.

L'augmentation des effectifs correspond à une période de tensions importantes avec des départs massifs à la retraite. Les recrutements de personnels civils en 2017 ont concerné 2 800 personnes ; en 2019, ils porteront sur 3 900 personnes. L'ensemble des besoins de recrutements du ministère pour les personnels civils et militaires correspond à 66 recrutements par jour. Certaines familles professionnelles connaissent des tensions, que nous devrons prendre en compte pour façonner notre politique de rémunération.

Les effectifs du ministère sur la période 2024-2025 feront l'objet d'arbitrages complémentaires lors de l'actualisation de la loi de programmation en 2021. L'augmentation des effectifs portera sur les seuls emplois financés sur les crédits de titre 2 de la mission « Défense », hors apprentis et service militaire volontaire (SMV), et ne prend pas en compte la contribution des armées à la mise en place d'un service national universel.

Comme je l'ai indiqué, la loi de programmation a l'ambition de se recentrer sur les personnels militaires et civils et leurs familles.

Au cours de la LPM 2014-2019, le budget consacré à l'action sociale était de 462 millions d'euros. Pour la période 2019-2025, 754 millions d'euros sont prévus afin de financer notamment l'accroissement du nombre de places en crèches ou la prise en compte de l'offre de prestations pendant l'absence en mission. Le ministère met à la disposition des familles de ses ressortissants un parc comprenant 48 000 logements, dont 9 000 lui appartiennent en propre. Pour 2019-2025, 150 millions d'euros par an seront consacrés aux dépenses de logement, à la fois pour l'acquisition, la préservation et l'entretien. L'offre sera augmentée de 660 logements de 2018 à 2020, dont 367 logements nouveaux en Île-de-France.

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