Madame Gipson, en ce qui concerne l'armement des drones, nous travaillons actuellement sur l'armement du Reaper, comme je vous l'avais effectivement dit au mois d'octobre dernier. Nous avons lancé la procédure d'achat avec le gouvernement américain, dite « FMS » – pour Foreign Military Sales –, de missiles Hellfire. Nous visons la signature de ce qui s'appelle une letter of offer and acceptance (LOA) à la fin du premier semestre de l'année 2018, pour un délai d'acquisition de douze mois. Si ce calendrier est tenu, nous devrions être capables d'équiper nos drones Reaper actuellement en opération à la mi-2019. Quant à l'Euromale, l'objectif est effectivement de l'armer. Cela fait partie des travaux d'études en cours dont j'ai dit tout à l'heure qu'ils devaient s'achever à la fin de l'année 2018 pour aboutir à un contrat industriel au début de l'année 2019. Il faudra effectivement, dans ce cadre, développer l'armement du drone MALE européen.
Monsieur Marilossian, vous me posez une question difficile sur les contrats. Premièrement, quand on compare les résultats des entreprises françaises de défense, par exemple, à ceux d'une entreprise de défense américaine, l'écart est significatif. Les industries françaises atteignent effectivement un niveau de rentabilité compris entre 5 % et 10 %, tandis que les industries américaines sont nettement au-dessus de 10 %. Deuxièmement, les contrats que nous concluons avec elles les soumettent-ils à une pression exagérée ou les conduisent-ils à des dépassements de coûts significatifs ? Oui, dans certains cas – nous avons évoqué le Barracuda et nous pourrions parler, entre autres, de l'A400M. Cela étant, la DGA, garante de la bonne utilisation des deniers publics, doit veiller à un partage des risques et des responsabilités équilibré et convenable entre l'État, qui finance, et l'industrie, qui réalise. Les difficultés que nous avons rencontrées sur l'A400M ou sur le Barracuda sont de la responsabilité de l'industrie. Il ne me semble donc pas anormal qu'elle en supporte les conséquences.
Les contrats forfaitaires sont la seule façon d'engager la responsabilité de l'industrie sur des objectifs de performance, de délais et de coûts. Si nous revenions à des contrats tels que nous en avons pratiqué dans le passé, dits de « dépenses contrôlées » – je demande à l'industrie le coût de son activité et je conviens avec elle d'une marge supplémentaire –, ce serait la porte ouverte au financement par la puissance publique de toutes les dérives techniques et industrielles. Cela ne signifie pas qu'il ne faille pas chercher à optimiser la forfaitisation de nos contrats. On peut être sensible au discours de certains industriels lorsqu'ils nous disent que l'on forfaitise des choses trop insuffisamment définies et conceptualisées pour qu'ils puissent prendre un engagement ferme de performance ou de délai. Il faut passer le contrat forfaitaire au moment où chacun sait ce qu'il veut – la puissance publique, donc le maître d'ouvrage DGA, et l'industriel qui réalise.
Cependant, il faut aussi engager l'industrie sur le soutien. La prise de risques y étant quasi nulle, ses marges sont bien plus significatives en la matière que sur le développement. Au-delà de la responsabilité des industriels, notre organisation, à l'intérieur de nos armées et de notre ministère, pourrait être améliorée – c'est d'ailleurs l'objectif de la création de la direction de la maintenance aéronautique (DMAé).
Les performances sont défaillantes du point de vue du maintien en condition opérationnelle (MCO) – vous connaissez le faible taux de disponibilité de nos hélicoptères et de nos avions, dont tout le monde se plaint, y compris au plus haut niveau de la République –, et nous devons progresser. Nous-mêmes, DGA, devons passer sur les matériels des contrats forfaitaires – développement, production et soutien – nous le faisons déjà depuis plusieurs années. Ces contrats doivent permettre d'obtenir un engagement de performance et de coût de l'industriel sur le maintien en condition opérationnelle, typiquement sur une dizaine d'années de première exploitation. Nous devons réorganiser le fonctionnement, et c'est l'objet de la création de la DMAé et de tout le chantier lancé dans ce cadre-là. Et, dans le cadre de la LPM, le budget de l'entretien programmé des matériels est significativement accru, parce que les résultats sont aussi une question d'argent.
Quant à la coopération, nous voulons entraîner nos partenaires et amis. Nous attendons la décision des Allemands sur le renouvellement du Tornado. Si les Allemands achètent le F35, nous sommes mal partis pour la coopération future. Si nous essayons d'impulser cette coopération européenne, il faut que nos partenaires nous suivent. Les décisions que prendront, à court terme, les Allemands sur l'exportation ou encore sur le renouvellement du Tornado seront des signaux majeurs.
Avec les Britanniques, nous essayons de définir la suite du projet de développement technologique relatif aux technologies de l'aviation de combat du futur. Nous sentons bien qu'ils veulent travailler avec nous, mais qu'ils ont des accords avec les Américains. Ils s'interrogent donc. C'est pourquoi nous continuons de discuter.
Quant aux capitaux étrangers investis dans les entreprises de défense en France, il y en a peu, Monsieur de la Verpillière, et, de toute façon, il existe un processus de contrôle des investissements étrangers en France, que nous appliquons systématiquement, dans l'ensemble du tissu industriel. Cela concerne des petites sociétés qui font partie de la base industrielle et technologique de défense, auxquelles il faut effectivement être très attentif. En 2017, nous avons ainsi traité vingt-sept dossiers de surveillance des investissements étrangers en France.
En ce qui concerne l'organisation du ministère des Armées, nous avons un modèle : la dissuasion. Dès l'origine, nous avons créé la notion de programmes d'ensemble, c'est-à-dire non seulement le missile mais aussi le sous-marin, l'infrastructure, les liaisons de communication, etc.
Dans le cadre de notre plan de progrès et des chantiers de modernisation du ministère, nous sommes en train de discuter avec l'état-major des armées d'une sorte de généralisation de cette démarche de programme d'ensemble, d'abord au niveau technique, avec une approche plus capacitaire qu'actuellement. Nous avons tendance à aller trop vite dans l'engagement et la réalisation d'un programme, sans intégrer celui-ci dans un ensemble. Ainsi, il faut commencer par définir le système de combat aérien du futur avant de lancer le programme de l'avion, le programme de drones, le programme de missiles, le programme de systèmes de communication. Cette cohérence d'ensemble doit ensuite être assurée tout au long de la réalisation du cycle de nos programmes – c'est l'idée de programmes d'ensemble.
Vous avez raison de le dire : nous devons nous améliorer sur ce plan, nous, DGA, qui avons la responsabilité des programmes eux-mêmes, mais évidemment en liaison avec les armées, en liaison avec le service d'infrastructure de la défense, etc. Nous devons avoir une vision globale de ces systèmes complets tout au long de leur cycle de vie – nous y travaillons.