Compte tenu de ces risques, voici nos préconisations pour la prochaine loi de programmation militaire.
Premièrement, nous insistons sur l'absolue nécessité d'une programmation plus sincère pour que celle-ci puisse avoir une utilité, et j'ajouterai, une crédibilité. Il est indispensable d'augmenter la dotation initiale pour les surcoûts OPEX pour donner de la visibilité au ministère des Armées, réduire l'ampleur du « gel » budgétaire et éviter les corrections en cours d'année. Ces dernières ruinent les efforts de programmation de la direction générale de l'armement et entraînent des surcoûts très élevés, préjudiciables à la défense comme aux finances publiques. Nous nous félicitons de la réduction du taux de mise en réserve initiale pour le budget 2018, qui passe ainsi de 8 % à 3 %. Mais nous espérons que ces marges de manoeuvre rendues au ministère des Armées ne sont pas le prélude à une remise en cause du financement interministériel des surcoûts OPEX constatés au-delà de la dotation initiale en LFI, ce qui se traduirait immanquablement par une ponction sur les crédits d'équipement, dont les effets néfastes et coûteux ne peuvent plus être ignorés.
Nous préconisons ensuite de privilégier les équipements garantissant la cohérence opérationnelle de l'outil de défense. Avant de nous lancer dans de nouveaux programmes, assurons-nous déjà que nos forces armées soient correctement équipées ! Cela passe notamment par un réinvestissement des programmes dits de « petits » équipements, trop souvent négligés. D'autres questions urgentes doivent être tranchées, comme celle du porte-avions, faute de quoi les compétences industrielles nécessaires à sa construction pourraient disparaître.
De considérables enjeux financiers s'attachent au maintien en condition opérationnelle. Nous reprenons à notre compte la proposition de notre collègue Jean-Charles Larsonneur, consistant à transférer la responsabilité du MCO à la DGA qui pourrait mettre à profit son expertise dans la négociation de contrats et promouvoir une approche plus globale des contrats d'armement en incluant l'adaptation et la maintenance. Comme l'indiquait notre collègue Larsonneur, cela supposerait le passage d'une analyse en termes de moyens physiques (« j'ai besoin de deux hélicoptères ») à une analyse en termes d'effet à obtenir (« j'ai besoin d'avoir accès à un hélicoptère 24 heures sur 24 »).
Nous jugeons ensuite qu'un rééquilibrage en faveur des soutiens est nécessaire. Les conditions de vie, dont le logement, l'hébergement, le niveau des rémunérations et la conciliation vie privée-vie professionnelle, ressortent comme les premières sources d'insatisfaction des militaires, dans les enquêtes sur le moral. Depuis 2009, les services de soutien supportent en effet l'essentiel des efforts d'économies du ministère. Il en résulte une dégradation de la qualité du service rendu qui devient problématique pour la fidélisation des soutenants comme des soutenus. Le « scandale Louvois » a par ailleurs ébranlé durablement la confiance des militaires et de leurs proches dans le soutien administratif et la numérisation. La revalorisation des soutiens doit prendre deux formes : l'une est budgétaire, bien évidemment, avec la nécessaire augmentation des moyens de certains services, je pense notamment au service de santé des armées (SSA) ; l'autre est organisationnelle, avec l'amélioration de la communication entre soutenants et soutenus et la dévolution de nouvelles marges de manoeuvre au commandement pour les petits travaux de maintenance, ceux qui améliorent le quotidien. Il paraît en outre absolument indispensable de sanctuariser une enveloppe pour la rénovation des infrastructures de vie, toujours remise en cause au profit des infrastructures d'accueil des grands programmes d'armement.
Dans le contexte actuel d'intense engagement opérationnel, le moral des familles de militaires mérite toute notre attention. À cet égard, le « Plan Familles » va dans le bon sens. De manière générale, nous soutenons les initiatives récentes destinées à donner davantage de visibilité aux militaires. Cela passe par une meilleure prévisibilité des départs en opérations et des retours auprès des familles, par une meilleure prévisibilité des mutations, à laquelle la ministre s'est engagée, et par la constitution de parcours professionnels incluant de vraies perspectives de reconversion. Nous considérons qu'il y a là un levier d'attractivité considérable, en plus du chantier indemnitaire, qui permettra de maintenir notre modèle de flux, garant de la jeunesse de nos armées, à moindre coût.