Notre groupe tient à ce que soit ajoutée à ce rapport une contribution présentant son point de vue particulier, mais je n'en félicite pas moins les rapporteurs pour la qualité de leur travail. Nous regrettons toutefois que ce travail d'évaluation de l'exécution de la LPM de 2013 se soit limité à une approche comptable. Or les moyens servent une fin ; ainsi, pour évaluer cette LPM, il aurait fallu examiner aussi la pertinence des choix stratégiques qui la sous-tendent.
Votre rapport fait une analyse précise des conséquences de l'austérité appliquée aux armées : déflations inconsidérées d'effectifs et hypothèses budgétaires fallacieuses sur lesquelles il a bien fallu revenir, affaiblissement des fonctions de soutien, dégradation de la condition sociale des militaires et de leurs familles, etc. En somme, la LPM 2014‒2019 n'aura pas facilité l'accomplissement par l'armée de ses missions, et le rapport s'en fait l'honnête écho. Cependant, ce rapport prend un peu facilement acte de la crise financière, devenue crise budgétaire, et des contraintes dirimantes qu'elle aurait fait peser sur les finances publiques. Nous considérons au contraire que s'agissant de l'un de ses domaines d'action prioritaires, l'exécutif aurait pu décider de dégager des marges de manoeuvre budgétaires.
Plusieurs de ses préconisations appellent des remarques de notre groupe.
S'agissant de ce que vous appelez la « sincérisation » du financement des OPEX, votre proposition nous semble être une fausse bonne idée, pour deux raisons. D'une part, elle contredit le principe suivant lequel l'engagement des forces armées, décidé par le président de la République au nom de la Nation entière, doit être financé par la Nation entière, donc de façon interministérielle. D'autre part, votre raisonnement repose sur le postulat que le niveau de dépenses relatives aux OPEX se maintiendra peu ou prou au même montant. Or en l'absence de bilan stratégique des OPEX de ces dernières années, ce postulat est fragile et potentiellement dangereux, voire coupable s'agissant de questions de guerre ou de paix
Par ailleurs, s'agissant des échéances à venir dans la modernisation des deux composantes de la dissuasion nucléaire, le rapport ne donne que des indications succinctes, car on manque ‒ comme souvent en ce domaine ‒ d'une information claire et objective sur le calendrier et les coûts respectifs de chaque étape de la maintenance et de la modernisation de chacune des deux composantes. Sans informations précises sur ce point, il ne sera pas possible de voter de façon tout à fait éclairée une nouvelle LPM.
Enfin, le rapport rappelle les nombreuses dérives de coûts dans les programmes d'armement, qui méritent en effet une attention particulière. Comment ne pas, dès lors, regretter qu'un décret en date du 14 novembre 2015 ait supprimé le comité des prix de revient des fabrications d'armement, créé en 1966, surtout quand le souci d'économies dans les dépenses publiques est aussi prédominant que ces dernières années dans le débat public ? Certes, le fonctionnement de ce comité pouvait assurément être amélioré, mais la situation actuelle nous montre que sa mission était loin d'être inutile.