Intervention de Gérald Darmanin

Réunion du mercredi 21 février 2018 à 13h40
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics :

Monsieur le président, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les députés, nous sommes ici réunis à votre demande pour évoquer l'exécution budgétaire 2017, et c'est avec un grand plaisir que je viens m'exprimer à ce sujet devant votre commission. Je précise d'emblée que cette communication ne couvre que le budget de l'État, les résultats définitifs des organismes de sécurité sociale – dont chacun connaît le poids au sein des comptes publics – ainsi que des collectivités territoriales ne devant être connus, comme vous le savez, que dans les prochaines semaines. Ce n'est sans doute que fin mars, ou début avril, que nous disposerons de l'intégralité des comptes consolidés, donc d'une vision claire et précise de nos finances publiques, qui nous permettra de vérifier si nous nous sommes conformés, ou non, à nos engagements européens, ainsi qu'à ceux figurant dans le budget rectificatif adopté lors de l'entrée en fonction de l'actuel gouvernement.

Comme chacun le sait, la particularité de cet exercice 2017 réside dans le partage de responsabilités entre la précédente majorité et l'actuelle. De ce point de vue – je le dis le plus clairement possible –, les résultats que nous vous présentons aujourd'hui témoignent indéniablement de la remise en ordre de nos finances publiques, à laquelle nous nous sommes attelés suite à l'audit de la Cour des comptes. Vous avez d'ailleurs reçu son Premier président au lendemain du dépôt de ce rapport – ainsi que les ministres qui m'ont précédé.

C'est bien grâce aux mesures de redressement que j'ai proposées au Président de la République et au Premier ministre, avant qu'elles ne soient soumises à votre assemblée – je me souviens d'un décret d'avance de près de 5 milliards d'euros – et adoptées grâce à la majorité, que nous avons pu couvrir les dépenses non financées par le gouvernement précédent. Je tiens à souligner que cela s'est fait sans augmenter les impôts et les taxes – nous n'avons pas fait de collectif budgétaire – et que, conformément à l'engagement du Président de la République, nous avons pu réduire le déficit public, qui avait conduit la Cour des comptes à évoquer des « biais de construction affectant la sincérité » du budget, sans augmenter les impôts ni les taxes. Si des recettes fiscales supplémentaires sont constatées, elles ne sont en aucun cas dues à une augmentation de taux ou à la création d'impôts, mais bien à une amélioration de la dynamique économique que connaît notre pays, notamment en ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et l'impôt sur les sociétés.

C'est bien grâce à ces mesures courageuses, notamment au décret d'avance, mais aussi à la régulation de la dépense, que nous avons mis un terme aux mauvaises pratiques conduisant à reporter des dépenses d'une année sur l'autre, et qu'à l'inverse, nous avons pu apurer certaines dettes contractées de longue date. Je rappelle qu'à la fin de l'année 2017, j'ai ainsi « dégelé » l'intégralité des crédits militaires, pour plus de 700 millions d'euros, sans aucun report sur l'année 2018.

C'est aussi grâce à ces efforts que nous avons pu bâtir, ensemble, une loi de finances pour 2018 plus sincère – grâce au travail de M. le président de la commission des finances, de M. le rapporteur général et de tous les groupes politiques –, mais aussi plus respectueuse de la portée de l'autorisation parlementaire. Bien sûr, c'est avec grand plaisir que je viendrai défendre le prochain projet de loi de règlement, en proposant une nouvelle fois à votre assemblée – j'ai pris connaissance de vos travaux préparatoires à la proposition du président de l'Assemblée nationale – de pouvoir consacrer plus de temps à l'exécution du budget, notamment à la loi de règlement : sans vouloir refaire le débat institutionnel, je crois que nous aurons tous intérêt à nous saisir de ce sujet lors de la présentation par le Président de la République et le Premier ministre du projet de révision constitutionnelle.

Quels sont les résultats de l'exercice 2017, et quels enseignements pouvons-nous en tirer ? Commençons par être factuels – j'ai appris qu'à Bercy, il fallait parler chiffres –, en disant que le déficit budgétaire de l'État s'établit à 67,8 milliards d'euros, ce qui représente une amélioration de 1,3 milliard d'euros par rapport à 2016 : il s'agit là de son niveau le plus bas depuis 2008. Par rapport aux chiffres qui vous ont été soumis à l'occasion du second projet de loi de finances rectificative (LFR), cela correspond à une amélioration de plus de 6 milliards d'euros. Je vous rappelle en effet que ce texte, présenté en novembre dernier, prévoyait un déficit à hauteur de 74,1 milliards d'euros, conforme aux observations de la Cour des comptes.

Deuxièmement, le Gouvernement a strictement tenu l'objectif de dépense qu'il s'était fixé en LFR, notamment sur les dépenses des ministères, qui s'établissent à 237,5 milliards d'euros, en ligne avec l'objectif fixé à 237,6 milliards d'euros – ce qui vient démentir les affirmations de certains membres de l'opposition selon lesquelles nous ne pourrions jamais tenir ni le déficit ni la dépense.

Quelles en sont les raisons ? La première réside dans la maîtrise des dépenses : grâce aux efforts d'économies mis en oeuvre au cours de l'été dernier par le Gouvernement, pour un montant total de l'ordre de 5 milliards d'euros, le dépassement a pu être ramené des 8 milliards d'euros identifiés par la Cour des comptes à 3 milliards d'euros – ce sont bien ces 5 milliards d'euros d'économies, notamment sous la forme de décrets d'avance, qui nous ont permis d'atteindre nos objectifs.

La deuxième raison est notre résolution à contenir notre déficit et à respecter nos engagements – notamment européens –, que nous avons également manifestée par la mise en place d'une surtaxe exceptionnelle d'impôt sur les sociétés, présentée par le ministre de l'économie, Bruno Le Maire, à votre assemblée, destinée à compenser l'incidence de l'annulation contentieuse imprévue de la contribution additionnelle de 3 % sur les dividendes – je ne reviens pas sur cette affaire qui a coûté quelques milliards à notre pays, et que nous avons déjà évoquée à de multiples reprises, sans toutefois définir qui en était responsable.

Troisièmement, ces bons résultats sont également liés à une meilleure dynamique de nos recettes, qui témoigne du climat de confiance et du redémarrage de l'activité économique que nous connaissons depuis quelques mois. Cependant, nous ne voulons pas être le coq Chantecler, qui prétendait, par son seul chant, faire lever le soleil... Nous reconnaissons donc que la reprise peut avoir de multiples causes, qu'il s'agisse des réductions de dépenses publiques ou d'autres mesures économiques mises en oeuvre par des gouvernements ayant précédé le nôtre – il y a parfois longtemps –, ou encore du choc de confiance qui a pu résulter du renouvellement politique ayant suivi l'élection du Président de la République. En tout état de cause, personne ne peut se prévaloir d'être à l'origine exclusive de la reprise économique – au demeurant encore timide, puisque le taux de croissance de la France reste inférieur à celui des pays européens qui lui sont comparables. L'honnêteté nous oblige à être modestes et à reconnaître que les pierres de l'édifice ont sans doute des origines diverses – cela étant, nous pouvons nous réjouir collectivement que la reprise économique se traduise par des recettes.

Je me permets incidemment de rappeler que les hypothèses de croissance pour 2017 avaient à l'époque été jugées « réalistes » par le Haut Conseil des finances publiques (HCFP), qui a confirmé son jugement à plusieurs reprises tout au long de l'année, signe que ces recettes n'étaient pas anticipées !

Mesdames et messieurs les députés, il est possible que ces résultats positifs confortent le Gouvernement dans son objectif historique de sortie des 3 % de déficit en 2017. Toutefois, ce n'est que fin mars que l'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) nous indiquera le niveau définitif de déficit de l'ensemble des administrations publiques, établi en tenant compte de tous les facteurs, y compris l'incidence de la recapitalisation d'Areva ou l'impact budgétaire de la censure de la contribution additionnelle de 3 % sur les dividendes. Quoi qu'il en soit, nous allons continuer à travailler, car nous ne pouvons en aucun cas considérer qu'avoir ramené le déficit à 2,9 % ou 2,8 % du produit intérieur brut (PIB) va régler définitivement tous nos problèmes : notre objectif, c'est de continuer à réduire le déficit autant que possible tout au long de ce quinquennat.

Je conclurai en évoquant un mot, celui de « cagnotte ». Dans le très beau département du Gers, où M. Jean-René Cazeneuve m'a récemment accueilli, j'ai même entendu des gens parler de « manne » ! Il faut arrêter de penser que nous sommes aussi riches que nous étions pauvres il y a sept mois : alors que j'ai pris mes fonctions au sein d'un ministère que l'on disait gérer le budget d'un État en quasi-faillite, nous serions maintenant en possession d'une cagnotte cachée quelque part dans les locaux de Bercy. Pour l'avoir bien cherchée, cette cagnotte, y compris dans les sous-sols du ministère, je peux vous dire qu'elle n'existe pas. Il n'y a pas de cagnotte ! Il n'y a pas de cagnotte ! Un pays qui a 2 200 milliards d'euros de dettes et un déficit s'établissant aux environs de 70 milliards d'euros n'a pas de cagnotte.

M. le président de la commission et M. le rapporteur général le savent : la loi de finances et la loi de programmation des finances publiques (LPFP) contiennent un amendement – voté à l'unanimité des présents, me semble-t-il – consistant à répartir ce qui pourrait éventuellement provenir de recettes fiscales supplémentaires, sans augmentations d'impôt. Un pays qui emprunte chaque jour un demi-milliard d'euros sur les marchés financiers et qui perd 2 115 euros par seconde ne peut pas se vanter de posséder une cagnotte cachée. Le rétablissement de nos comptes publics, c'est avant tout la solidité de la baisse des impôts et celles des dépenses sociales qui, si elles sont tout à fait légitimes, mériteraient d'être compensées par des recettes. Depuis quarante ans, notre pays dépense chaque année 25 % que ce qu'il reçoit : cela ne peut plus durer, et je sais pouvoir compter sur l'esprit de responsabilité de chacun d'entre vous pour le comprendre.

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