Je vous remercie de m'accueillir dans votre commission pour débattre de la proposition de loi de nos collègues du groupe GDR.
Nous abordons, au travers de ce texte, le concret, la vraie vie dans nos territoires. Qui n'a pas rencontré dans sa circonscription des situations d'indécence, d'insalubrité provoquées par des bailleurs indélicats, voire des marchands de sommeil peu scrupuleux ? Et pour cause, la France compte entre 400 000 et 600 000 logements considérés comme indignes, vétustes, insalubres, sur-occupés, sous-chauffés. Au total, ce sont près d'un million de personnes qui y vivent, ou plus exactement qui y survivent.
Mon groupe soutiendra les mesures proposées qui vont dans le bon sens et qui, nous l'espérons, viendront amender le projet de loi ELAN.
J'en profite pour témoigner que cette triste méthode des marchands de sommeil n'est malheureusement pas une exclusivité des secteurs tendus ou urbains. Dans nos territoires ruraux, nos coeurs de petites villes où l'habitat est encastré, quelquefois sans cour ni garage, celui-ci est dévalorisé et devient la proie des bailleurs indélicats soucieux d'un retour sur investissement rapide, avec, en toile de fond, la récupération des aides personnalisées au logement (APL).
Ces bailleurs indélicats ciblent, bien sûr, les populations en grande précarité et en situation de faiblesse juridique. Ils se dispensent parfois, même souvent, de l'établissement d'un bail ou d'une procédure d'état des lieux et promettent à leurs futurs locataires de prochains travaux. La stratégie de maximisation du rendement se trouve à son apogée.
Tout cela conduit, au fil des années, à une paupérisation des petits coeurs de ville, à une ghettoïsation de ces quartiers. Entre les procédures de contrôle, de relogement et les jugements longs parfois coûteux, au final l'addition est lourde pour la société.
La loi prévoit des sanctions à l'encontre de ces marchands de sommeil : cinq ans d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende. Pourtant, très peu de peines sont prononcées. La loi ALUR du 24 mars 2014 a aussi renforcé les outils pour lutter contre l'habitat indigne : consignation des aides au logement, peine complémentaire d'interdiction d'achat d'un bien, confiscation de l'usufruit, dispositif d'astreintes administratives, panel de sanctions pénales. Elle a surtout permis d'agir en amont dans les territoires les plus touchés par ces pratiques, grâce à l'autorisation préalable de mise en location et à l'autorisation préalable aux travaux conduisant à la création de plusieurs locaux à usage d'habitation dans un immeuble.
Malgré cet arsenal de dispositions, le problème persiste, d'où la nécessité d'aller plus loin. Il est utile que la loi soit plus précise en matière de précarité énergétique, et il convient de donner au diagnostic de performance énergétique un caractère plus opposable, notamment d'un point de vue juridique. Vous le savez, les maires des petites villes ont parfois l'occasion de contrôler les logements, d'ordonner des travaux à la suite de constats de logements indécents entraînant des conséquences sur la sécurité physique des locataires. Par contre, ils ne peuvent pas ordonner des travaux lorsque des « passoires » thermiques mettent dans une forme d'insécurité économique des locataires, parce que le diagnostic de performance énergétique n'est pas opposable juridiquement. Je crois que nous aurons l'occasion d'y revenir en commission ou dans l'hémicycle.