Intervention de Agnès Buzyn

Réunion du mercredi 7 février 2018 à 16h15
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé :

Je ne vais pas être longue. Dès mon arrivée, en charge de la famille, de l'enfance et de la pauvreté, j'ai réfléchi à notre stratégie de lutte contre la pauvreté. En effet, le précédent gouvernement avait engagé un plan quinquennal couvrant très largement les questions liées de la pauvreté, en actionnant l'ensemble des leviers – logement, accès au travail, santé. Ce plan a porté ses fruits.

Je me suis donc demandé quelles actions nouvelles pouvaient être proposées pendant ce quinquennat. En analysant la pauvreté en France, j'ai été frappée par son changement de visage et l'accroissement important de la pauvreté des enfants et des jeunes. Trois millions d'enfants, soit 20 % des enfants français, vivent dans des familles dont les revenus sont inférieurs au seuil de pauvreté ; 33 % de ces enfants vivent dans des familles monoparentales. Ce sont des chiffres exorbitants !

Il m'a donc semblé nécessaire de cibler notre plan de lutte contre la pauvreté sur la pauvreté des enfants et des jeunes : il n'est pas tolérable que les enfants pauvres d'aujourd'hui soient les adultes pauvres de demain. Nous le savons, une dynamique vicieuse s'instaure quand on vit, enfant, dans un milieu pauvre : on n'accède alors pas à la prévention, à l'emploi, à la formation et à l'éducation de la même façon qu'un enfant favorisé. Le droit commun ne suffit pas pour sortir ces familles et ces enfants de la pauvreté : c'est la raison pour laquelle nous avons ciblé notre stratégie sur cette population, d'autant que son assignation à résidence dans la pauvreté est une spécificité française…

Cela n'a initialement pas été simple auprès des associations : elles souhaitaient que nous envisagions la pauvreté dans l'ensemble de ses composantes. Mais un ciblage ne veut pas dire que l'on exclut les autres populations. Au contraire, elles peuvent être « embarquées » par un certain nombre de mesures, notamment celles qui concernent les familles pauvres – nombreuses. Par ailleurs, je leur ai rappelé que les mesures contre la grande exclusion étaient maintenues.

En octobre, nous avons nommé un délégué interministériel à la prévention et à la lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes. Il est évidemment impératif qu'il discute de notre stratégie de lutte contre cette pauvreté avec chaque ministre concerné – éducation nationale, logement, cohésion des territoires. Mais il a également lancé une large concertation. Plusieurs groupes de travail ont été créés, majoritairement focalisés sur la pauvreté des enfants. Ils visent, entre autres objectifs, à éradiquer la pauvreté des enfants, à prévenir la vulnérabilité des jeunes, à favoriser leur insertion et à renouveler les outils de la prévention et de l'accompagnement global.

Cette stratégie se veut inclusive : nous devons travailler concomitamment sur l'ensemble des composantes de la pauvreté, et non plus en « silo » – le logement d'un côté, l'insertion de l'autre –, car nous savons que seule une prise en compte globale de ces problématiques nous permettra d'avancer. Jean-Michel Blanquer l'a souligné s'agissant de la question du logement et de l'école.

À côté de ces groupes de travail, déployés dans les régions et à Paris, nous avons lancé une concertation citoyenne sur internet qui fonctionne bien, puisque nous avons déjà reçu plus de 4 000 contributions publiques. Nous devrions être en mesure de proposer fin mars une stratégie consolidée, qui ciblera spécifiquement les populations dont nous parlons.

Comme Jean-Michel Blanquer, je suis absolument convaincue que, plus tôt on travaille sur les mesures de prévention qui permettent de cibler ces populations extrêmement vulnérables, plus on est efficace. Une statistique doit nous interpeller : seuls 5 % des enfants de moins de 3 ans appartenant à ces 20 % de ménages les plus pauvres vont en crèche, contre 22 % en moyenne nationale. Très tôt, dès leur sixième mois, ces enfants n'accèdent pas à des professionnels de la petite enfance : les inégalités se creusent dès cet âge… Avec M. Blanquer, nous travaillons à ce continuum crèches-maternelles car nous voulons être vraiment efficaces, le plus tôt possible.

Nous avons déjà des idées sur le sujet, mais notre stratégie de lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes étant en cours de concertation et les mesures non encore arbitrées, je ne pourrai malheureusement entrer dans le détail des propositions, même si les grandes directions et les objectifs sont clairement déterminés.

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