Intervention de Jean-Michel Blanquer

Réunion du mercredi 7 février 2018 à 16h15
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale :

MM. Raphaël Gérard et Frédéric Reiss m'ayant tous deux interrogé sur notre action en milieu rural, je répondrai conjointement à leurs questions. Il convient en effet d'adapter nos outils d'intervention à ces territoires, s'agissant notamment du périscolaire. Je ne voudrais pas qu'on oppose nos politiques sociales rurales et urbaines : elles sont différentes mais complémentaires, c'est pourquoi nos moyens en matière scolaire ne sont pas plus orientés vers les milieux urbains que vers le monde rural. Le dédoublement des classes de CP est certes plus important en milieu urbain mais quand on dit cela, on ne vise pas uniquement les banlieues des grandes villes mais aussi les villes de ce qu'on appelle parfois la France périphérique. J'ai cité Blois, j'aurais aussi pu évoquer Romorantin dans le même département.

En milieu rural, nos moyens sont aussi fortement concentrés mais je ne pense pas que le dédoublement des classes y soit fondamental, sauf en REP. Toujours dans le Loir-et-Cher, il y a des fermetures de classes mais aucune fermeture d'école. De plus, ces fermetures sont compensées par des ouvertures dans les endroits démographiquement dynamiques. Je suis très attentif au maintien et à la redynamisation des écoles rurales qui peuvent contribuer à la lutte contre l'isolement. Cela suppose parfois des regroupements scolaires mais, en tout état de cause, ce sont les contrats départementaux de ruralité que nous sommes en train de conclure – dans le Lot et dans le Jura, notamment – qui nous permettront d'avoir une approche qualitative de la question.

Si les moyens doivent être équitablement répartis dans l'ensemble du territoire, au plan qualitatif, nous devons avoir une approche spécifique lieu par lieu sur plusieurs années. Je rêve d'en finir avec le psychodrame des fermetures annuelles de classes et de planifier ouvertures et fermetures dans un cadre pluriannuel. Cela nous permettrait de regarder les choses sereinement, sans polémique. Les contrats départementaux doivent permettre de répondre à votre attente – que je partage – et de mieux articuler les enjeux scolaires et la lutte contre l'isolement. Des études montrent qu'en milieu rural, l'addiction aux écrans est paradoxalement encore plus forte qu'en milieu urbain. On pourrait donc promouvoir des enseignements de découverte de la nature, par exemple.

En ce qui concerne la proposition de loi que vous avez déposée, monsieur le député Minot, je redirai que l'uniforme peut présenter un intérêt – et les représentants des départements d'outre-mer ne me contrediront probablement pas sur ce point. Ce peut être un moyen de lutter contre les inégalités visibles et peut donner lieu à des politiques sociales volontaristes si la collectivité décide de financer cet uniforme. Si la généralisation de ce dernier ne me semble pas faisable dans la société française telle qu'elle est aujourd'hui, il me paraît concevable d'offrir la possibilité de rendre l'uniforme obligatoire, voire d'y encourager, dès lors que cela fait consensus à l'échelon local. Cela se fait d'ailleurs déjà, notamment à l'internat d'excellence de Sourdun.

Pour répondre à Mme Rubin, j'aimerais souligner qu'il y a dans cet internat d'excellence une classe préparatoire dont plus de 50 % des élèves viennent d'une catégorie socioprofessionnelle (CSP) défavorisée. De même qu'on ne doit pas opposer le rural à l'urbain, on ne doit pas opposer une politique sociale qui, à partir de la maternelle, pousse les élèves à avancer, à une politique sociale qui tire les élèves vers le haut et contribue à la lutte contre les inégalités. Il est inexact de considérer que les moyens dédiés aux classes préparatoires seraient pour les riches tandis que d'autres moyens seraient uniquement pour les pauvres. Les choses sont beaucoup plus complexes que cela. Des politiques volontaristes ont été menées par des gouvernements de droite comme de gauche depuis dix à quinze ans, pour créer des classes préparatoires dans les quartiers défavorisés. J'ai parlé de Sourdun mais je pourrais également citer Montceau-les-Mines qui dispose d'une classe préparatoire et d'un internat destinés aux bacheliers professionnels. L'un de ces bacheliers, issu d'une CSP défavorisée, a intégré l'École polytechnique grâce aux colles qui l'y avaient préparé. Cela s'appelle la méritocratie républicaine et c'est une très bonne chose. Bien sûr, nous devons mettre autant de moyens que possible dans les politiques sociales, mais n'allons pas déshabiller Pierre pour habiller Paul en nous appuyant sur des raisonnements biaisés. On cite souvent le montant des dépenses sociales mais ce qu'il faut regarder, ce ne sont pas tant les chiffres que la manière dont les fonds sont dépensés et si les crédits sont effectivement consommés.

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