Intervention de Sandrine Mörch

Réunion du mercredi 7 février 2018 à 16h15
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSandrine Mörch :

Je voudrais vous parler de deux anciens enfants pauvres, dont je m'occupais quand ils avaient cinq et dix ans, et qui sont aujourd'hui âgés de vingt et un et vingt-six ans. Pour cela, je vais vous livrer leurs témoignages, recueillis par texto.

La plus jeune des deux, Badra, nous dit : « On se sent seul, à l'écart des autres enfants. Souvent les professeurs nous négligent, car ils savent que nos parents ne peuvent rien faire. On est souvent regardé de haut, on est méprisé, et c'est souvent à cause de cela que l'on devient le perturbateur de la classe ». Badra en a bavé et en a fait voir à ses profs, mais elle a réussi à intégrer une section d'enseignement général et professionnel adapté (SEGPA), elle en est sortie, elle a eu le bac, et elle est maintenant titulaire d'un CDI. Autant vous dire que cette jeune fille, qui avait un formidable potentiel, est devenue une héroïne pour les chefs d'établissement et pour tout le quartier !

Pour son frère Abou, c'est un peu différent. Sorti de prison depuis une semaine, il m'écrit ces mots : « Être un enfant pauvre, c'est de là que tout commence, tu ne te sens pas comme les autres et c'est là où tu commences à faire des conneries. Tu n'es pas concentré, tu n'es pas bien et tu n'as pas envie d'étudier. Moi je me rappelle que je détestais l'école. Le matin, tout le monde achetait son croissant, et moi j'étais là et je n'avais rien. Les élèves arrivent à l'école avec des chaussures neuves et toi, tu n'as rien… Moi, je me souviens, la prof me parlait, je la regardais mais je n'écoutais même pas, j'étais loin dans ma tête. Et puis un jour, tu suis quelqu'un qui te propose un joint en te disant : “ Crois-moi, si tu fumes ça, tu vas tout oublier ”. Après, tu commences à voler pour avoir la même chose que les autres, tellement tu es mal dans ta peau. Et pour te faire remarquer des autres élèves, tu fais des conneries. » Abou, qui était un enfant adorable, l'est toujours malgré ses quatre ans de prison et le fait qu'il soit devenu un petit caïd.

Ces témoignages m'inspirent une question : ne pourrait-on pas imaginer une structure conçue comme un sas, où les enfants pauvres passeraient tous les jours juste avant l'école, afin de pouvoir, comme les autres, arriver avec un croissant ou un goûter, avoir de nouveaux vêtements quand les leurs sont trop usés, et parler de leurs problèmes d'enfants à des adultes – tout cela pour leur permettre de se fondre ensuite dans l'école comme les autres, et ne pas être enfermés dans leur statut d'enfants pauvres ? Ce sas existe-il déjà sous une forme ou une autre, à défaut peut-on concevoir de le créer, peut-être sous la forme de parents-relais ?

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