Intervention de Jean-Michel Blanquer

Réunion du mercredi 7 février 2018 à 16h15
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Jean-Michel Blanquer, ministre de l'éducation nationale :

Ce point est fondamental, et les initiatives prises en la matière, par exemple pour le petit-déjeuner, ont d'ores et déjà fait la preuve de leur efficacité. Pour autant, elles ne doivent pas aboutir à la déresponsabilisation des parents : il ne faudrait pas qu'à force de compenser des fonctions parentales non assumées par ceux à qui elles reviennent, nous finissions par passer de l'autre côté du cheval, si vous me permettez l'expression, et par être contre-productifs par rapport aux objectifs visés. En matière d'alimentation, de gros progrès restent à accomplir pour que tous les enfants se trouvent à égalité.

Je reviens à une question de Mme Dubois à laquelle je n'ai pas répondu précédemment, qui portait sur la formation des professeurs. Je suis tout à fait favorable à la formation des professeurs à l'accueil des élèves en situation de handicap et je considère, comme vous, que la formation de tous les professeurs ne peut qu'avoir un rôle positif dans la lutte contre les effets de la pauvreté, en s'inscrivant dans une logique d'école inclusive. J'ai souvent évoqué cette question avec Sophie Cluzel, secrétaire d'État chargée des personnes handicapées, et je peux vous confirmer que, pour les élèves en situation de handicap, des initiatives seront prochainement prises pour que la formation des professeurs et des personnels chargés de l'accueil des élèves concernés soit renforcée – surtout celle des professeurs. En la matière, comme l'a montré une récente mission des inspections générales, l'exemple italien, qui propose une vision globale de l'école inclusive, passant par la formation des professeurs, est très intéressant. Comme vous, je suis favorable à une formation des professeurs commençant plus tôt dans leur parcours, et sans doute sera-t-il tenu compte de ce principe dans les prochaines évolutions de la formation des enseignants.

La question de M. Berta sur le dédoublement des classes et la pédagogie est très importante. Si nous sommes heureux des premières mesures de dédoublement qui ont été prises, force est de reconnaître que l'aspect quantitatif est nécessaire, mais rarement suffisant, et doit se doubler d'une approche qualitative. C'est ce que nous avons fait et, de ce point de vue, les premières mesures de dédoublement peuvent être vues comme l'avant-poste d'une politique plus générale pour le primaire. Le fait que ces mesures figurent dans notre projet « 100 % de réussite au CP » montre bien que tous les élèves de CP sont concernés par la dynamique pédagogique induite par le dédoublement, et pas seulement ceux bénéficiant de la politique d'éducation prioritaire, qui ne représentent que 20 % des élèves. Nous avons réuni en séminaire les inspecteurs de l'éducation nationale afin de leur présenter les outils nécessaires à la mise en oeuvre de cette nouvelle politique, et avons déployé des actions de formation qui ont lieu en ce moment même. Par analogie avec le choc d'offre évoqué tout à l'heure, je dirai que j'attends du dédoublement qu'il produise un choc psychologique positif, et surtout des effets qualitatifs ; en tout état de cause, il me paraît tout à fait justifié de mentionner le rôle de la pédagogie lorsqu'on évoque le dédoublement des classes.

M. Vercamer a raison de dire que les phénomènes de ségrégation sociale ont tendance à s'aggraver, et que nous devons agir en faveur de la mixité sociale. Nous pouvons le faire au moyen de différentes stratégies, et certaines expérimentations récentes, qui se caractérisent par un réel volontarisme en la matière, semblent intéressantes et vont faire l'objet d'une évaluation, dont les conclusions nous permettront d'avancer. J'insiste sur le fait que la mixité sociale ne se décrète pas, elle se provoque et s'encourage, notamment grâce à des mesures visant à renforcer l'attractivité des établissements les plus défavorisés. Pour ma part, je plaide pour des projets éducatifs renforcés à destination de ces établissements – et, plus largement, de tous les établissements confrontés à des problèmes d'attractivité. C'est le sens du rétablissement des classes bilangues dans ces établissements, mais aussi des sections européennes et des classes de latin et de grec, qui doivent concerner en priorité les établissements qui ne sont pas privilégiés. La même logique, qui peut concerner également les lycées pour d'autres sujets, sera poursuivie pour faire progresser au maximum la mixité sociale, qui reste un objectif à poursuivre.

Même si je l'ai déjà fait à de multiples reprises, je vais à nouveau répondre au sujet des postes en milieu rural, afin de ne pas donner à M. Larive l'impression que je souhaite esquiver sa question. Je répète donc qu'il y a une volonté politique d'agir en faveur de l'enseignement en milieu rural. Pour ce qui est de l'Ariège, il y aura effectivement sept postes en moins pour la rentrée, mais ce sont au moins vingt postes qui devraient être supprimés si le nombre de postes variait en fonction des évolutions démographiques. Ce département, qui bénéficie de dédoublements, a été l'un des premiers à signer une convention ruralité. J'ai demandé au sénateur ariégeois Alain Duran, qui a rédigé en 2016 un rapport sur les conventions ruralité, de continuer à travailler sur cette question – je rappelle à cette occasion que la signature de chaque convention ruralité s'accompagne de la mise à disposition automatique de cinq postes. La ruralité est pour nous une priorité, y compris dans le cadre de la lutte contre la pauvreté – je pense que nous sommes d'accord sur ce point, et qu'il est un peu vain de se comporter comme si nous ne l'étions pas – et il ne reste en fait qu'à déterminer comment faire valoir en la matière nos préoccupations d'ordre qualitatif.

Mme Bagarry a fait de la semaine de quatre jours et demi une description qui peut correspondre à la réalité dans certains cas, mais ne saurait refléter la situation de toutes les communes de France. Je rappelle que seulement 40 % des élèves étaient inscrits aux activités périscolaires à la suite de la réforme ayant institué la semaine de quatre jours et demi, et j'estime excessif de considérer que les décisions prises en la matière par les collectivités territoriales étaient systématiquement dictées par des considérations d'ordre matériel, au détriment de l'intérêt des enfants : en réalité, les choses sont beaucoup plus complexes que cela.

Il ne me paraît pas souhaitable de plaider par principe pour la semaine de quatre jours ou pour la semaine de quatre jours et demi, car il a été démontré que la vraie question n'était pas là. Je me suis rendu récemment dans les Alpes-Maritimes où j'ai pu constater que, ayant été contrainte de passer à la semaine de quatre jours et demi, la ville de Nice avait dû renoncer à envoyer des enfants de milieux défavorisés à la montagne pour une somme modique : cette sortie, qui avait lieu le mercredi quand les enfants pouvaient partir dès le matin, ne pouvait plus être organisée en une après-midi – à l'inverse, il existe des exemples de situations qui se sont améliorées grâce au passage à la semaine de quatre jours et demi. Notre action doit être guidée par le pragmatisme : il faut garder quatre jours et demi là où cette solution est satisfaisante, et revenir à quatre jours là où cela vaut mieux, ce qui nous permettra de passer à autre chose. Vous m'avez demandé si le « plan mercredi » atteindrait les campagnes : je ne sais pas si ce sera le nouveau refrain en matière scolaire, mais je peux vous assurer qu'il s'agit là d'un objectif qui nous tient à coeur, et que nous poursuivrons en adoptant une vision départementale – ce qui rappelle les enjeux des conventions ruralité.

Pour ce qui est de la question des médecins et infirmières scolaires, soulevée par Mme Rist, il est exact que leurs missions sont actuellement définies de façon un peu cloisonnée. Nous évoquons régulièrement ce sujet avec les organisations représentatives, et je pense qu'il existe des pistes d'amélioration professionnelle pour tout le monde dans le nouveau contexte créé par la coopération renforcée avec le ministère de la santé. En la matière, Mme Buzyn et moi-même sommes très ouverts aux évolutions qui pourraient paraître souhaitables.

Madame Piron, je connais l'initiative dont vous avez parlé et la trouve excellente. L'apprentissage du vélo est à rapprocher de celui de la natation, même si les enjeux en termes de mobilité sont plus importants.

L'éducation prioritaire a fait l'objet de plusieurs questions. Mme Charrière a abordé un aspect très important, celui des effets contre-productifs que peut induire la définition de l'éducation prioritaire. De toute évidence, nous devons faire évoluer nos concepts. Cela renvoie à notre détermination en matière de mixité scolaire : il est tout de même paradoxal qu'un objectif d'éducation prioritaire puisse renforcer la non-mixité sociale !

Il faut concevoir l'éducation prioritaire comme une stimulation de la réussite plutôt que comme l'indemnisation d'une souffrance. Grâce à des moyens supplémentaires, nous pourrons accentuer la mixité sociale et une fois celle-ci réalisée, sortir de l'éducation prioritaire. Ce devrait être un but, et l'atteindre une joie. Or ce n'est pratiquement jamais le cas aujourd'hui. Tout cela est certainement plus facile à dire qu'à faire, mais c'est cette philosophie de l'éducation prioritaire – efficacité au service des plus défavorisés – qui doit nous guider et faire l'objet de discussions avec les interlocuteurs concernés.

Les internats sont un outil essentiel de la politique d'éducation prioritaire. Oui, nous sommes en contact avec les collectivités locales pour renforcer les actions et leur donner davantage d'ampleur au travers d'un plan « internats ». L'exemple de la Seine-Saint-Denis, où le conseil départemental mène une politique de développement d'établissements de proximité, est parlant. Leur attractivité se trouve réduite du fait qu'ils se trouvent trop proches géographiquement des familles. Nous soutenons donc la collectivité pour que les beaux internats qu'elle a construits ces dernières années soient réellement occupés et utilisés. L'enjeu qualitatif, une fois encore, l'emporte : un internat n'est pas seulement un lieu avec des lits, mais d'abord et avant tout un projet éducatif qui doit bénéficier aux familles, un élan, un objectif.

Mme Mörch a évoqué le « sas », qui est un autre enjeu de l'éducation prioritaire. Ce que l'on appelle parfois les maisons des parents pourraient remplir cet objectif social, en servant de pivot entre les administrations sociales et les administrations de l'éducation.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Cette législature étant désormais achevée, les commentaires sont désactivés.
Vous pouvez commenter les travaux des nouveaux députés sur le NosDéputés.fr de la législature en cours.