Intervention de Sophie Cluzel

Réunion du mercredi 21 février 2018 à 16h15
Commission des affaires sociales

Sophie Cluzel, secrétaire d'État chargée des personnes handicapées :

Monsieur Lurton, je voudrais vous rassurer, vous et les familles : j'ai évoqué non pas la fermeture, mais la transformation des ESAT. Ce sont les associations d'ESAT elles-mêmes qui, regroupées au sein du collectif « France emploi accompagné » ont porté dans la loi El Khomri l'amendement sur l'emploi accompagné. Il s'agit donc bien d'une transformation destinée à accompagner les personnes qui veulent sortir des ESAT pour aller en milieu ordinaire.

Encore faut-il commencer par sécuriser les parcours de ces personnes handicapées. Nous devons leur apporter la preuve, à elles comme à leurs familles, qu'on peut être en milieu ordinaire tout en y étant bien accompagné. Marcel Nuss, affecté d'un lourd handicap, s'appuie sur une équipe qui tourne sur trois plages de huit heures pour être en permanence auprès de lui. Pourtant, il se considère comme autonome, précisément parce qu'il a conscience d'être bien accompagné. Voilà ce que je voudrais trouver dans le regard de notre société. Les personnes handicapées ont toute leur place en milieu autonome, grâce à l'accompagnement. Je dirais même que l'autonomie passe par l'accompagnement.

Il convient donc de changer de paradigme. Nous devons rassurer et sécuriser les parcours. Sortir des murs ne veut pas dire en sortir tout seul, pour affronter ce monde ordinaire qui fait peur à tous. Il faut donc à la fois travailler sur l'environnement et y accompagner la personne. Nous devons lever cette autocensure qui frappe les personnes handicapées, qui n'osent pas sortir des murs parce que ce serait trop violent au-dehors.

Deuxième levier d'action : la présence des professionnels pour accompagner le changement de posture. C'est un gros enjeu. C'est pourquoi la transformation de l'offre médico-sociale requiert un important copilotage avec les départements et avec les associations, de sorte que tout le monde soit entraîné par le changement. Certes, cela n'adviendra pas d'un simple claquement de doigts.

S'agissant des entreprises adaptées, avant s'intéresser au financement de postes nécessaires pour accroître l'offre, il faut en repenser le modèle économique : c'est le chantier que nous avons ouvert avec l'Union nationale des entreprises adaptées. Nous cherchons avec elle comment transformer ce modèle économique au service des personnes et des entreprises. Les 750 entreprises adaptées emploient environ 35 000 personnes. Ce n'est pas anodin. La moitié d'entre elles sont des associations, tandis que l'autre moitié est implantée dans le monde de l'entreprise. Dans cet ensemble économique, les situations sont donc très variables.

Nous nous sommes aussi rapprochés des associations de directeurs d'ESAT, d'Handicat et de l'Union nationale des entreprises adaptées. Monsieur Lurton, vous pouvez donc rassurer les familles : il ne s'agit pas de tout casser, mais de transformer avec elles et pour elles.

J'en viens à l'accompagnement à l'insertion professionnelle. Jean-Marc Borello l'a rappelé dans son rapport, « nul n'est inemployable » ; je dirais même plus : « tout le monde est employable ». Il faut partir des besoins des entreprises ; je suis ainsi allée à la rencontre de grandes entreprises, de PME, de TPE… Je suis preneuse de toute initiative dans le domaine de l'insertion professionnelle, n'hésitez d'ailleurs pas à m'en faire connaître. Les entreprises, surtout les PME, ont besoin d'un service clés en mains, car elles n'ont pas de service de ressources humaines qui leur permettent de s'abstraire des contraintes immédiates.

Aujourd'hui, leurs dirigeants nous disent qu'ils sont prêts à recruter des personnes handicapées, mais qu'ils ne reçoivent jamais de CV d'une personne handicapée. Ils ont donc besoin d'un service clé en mains. Pour eux, il faut que le handicap soit mentionné dans un CV, qu'il ne soit plus une honte, que le demandeur d'emploi n'ai peur d'être mis dans un placard. La concertation en cours a précisément pour objet de rénover et de communiquer de façon positive autour des compétences. Nous bénéficions d'un alignement favorable des planètes. Associations de personnes handicapées, organisations syndicales, organisations patronales, tout le monde est mobilisé pour dire qu'il faut un changement de discours et un changement de regard. C'est le process qui doit changer. Il faut agir !

Monsieur Da Silva, je suis en effet la marraine de Défi H, concours qui attire des étudiants réfléchissant à l'insertion des futurs travailleurs handicapés. Ils bouillonnent d'idées, s'emparent de la problématique du handicap pour en faire un bien commun : voilà une jeunesse prometteuse.

Vous m'avez aussi parlé de l'innovation numérique. La communication alternative doit en effet être améliorée, pour que nous en fassions une force. Des innovations telles Ava ou RogerVoice permettent à des personnes sourdes et malentendantes de participer à des conversations professionnelles. Je l'ai constaté moi-même, en compagnie de Muriel Pénicaud, dans une agence de Pôle Emploi, des recrutements sont également possibles par cette voie. La personne handicapée participe ainsi à l'expression de son propre projet de vie professionnelle.

Il en va de même de l'accessibilité numérique des sites. Au dernier comité interministériel, nous nous sommes engagés à ce que les dix plus grands sites visités soient tout à fait accessibles, quel que soit le type de handicap. Le site de Pôle Emploi, par définition ouvert et universel, et le site de l'AGEFIPH sont concernés, ce qui permettra à la personne handicapée chercheuse d'emploi d'être autonome.

L'innovation technologique et numérique peut bien être un outil magnifique pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées.

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