Alors que la Haute autorité de santé (HAS) vient de publier ses recommandations de bonnes pratiques pour les adultes autistes, et que le quatrième Plan autisme est sur le point d'être révélé, je souhaite vous interroger sur la métaphore de la mauvaise herbe. Cette métaphore, que l'on doit à l'entreprise danoise Specialisterne, nous apprend qu'un pissenlit qui pousse sur la pelouse d'un jardin doit être arrachée ; mais que ce même pissenlit, s'il est cultivé dans le potager d'un grand chef cuisinier, peut devenir la base d'un plat servi à la carte d'un restaurant étoilé. Je crois qu'elle résume assez bien la problématique de l'emploi des adultes autistes…
Cela a été dit, la situation des personnes en situation de handicap face à l'emploi est moins bonne encore que celle du reste de la population française. Celle des personnes atteintes d'un trouble du spectre autistique est peut-être pire, ou du moins plus complexe.
Pourquoi ? D'une part, parce qu'il y a aujourd'hui dans notre pays des milliers d'autistes adultes qui s'ignorent et qui rencontrent des difficultés d'accès ou de maintien dans l'emploi, sans savoir ni comprendre pourquoi. Le retard de notre pays sur l'autisme en général, et sur le diagnostic des adultes plus spécifiquement, explique largement cet état de fait. D'autre part, parce que certains adultes autistes, consciemment ou pas, s'autocensurent face à des annonces d'emplois dont on sait qu'elles valorisent de plus en plus les « qualités » relationnelles.
Enfin, disons-le franchement, parce que le monde de l'entreprise a peur des troubles cognitifs, enfermant les personnes dans des stéréotypes négatifs, aux termes desquels elles seraient inadaptées au monde du travail.
Pourtant, de nombreux pays et de nombreuses entreprises ont compris le potentiel et la richesse que représentait la neuro-diversité. Depuis 2008, avec son programme Roim Rahok – Voir loin –, le ministère de la défense israélien incorpore des autistes dans les unités d'élite de l'armée pour analyser des photos aériennes.
SAP (Systems aplications and products in data processing), géant allemand de logiciels professionnels, considère pour sa part que « c'est seulement en employant des gens qui pensent différemment et suscitent l'innovation que l'entreprise sera prête à faire face aux défis du XXIe siècle ». L'entreprise a pour objectif très concret que les autistes représentent, d'ici 2020, 1 % de ses quelque 65 000 salariés dans le monde. En Italie, L'Oréal a démarré un projet de long terme en collaborant avec la Fondation TEDA (Trattamento educativo disturbo autistico) pour embaucher durablement de jeunes autistes.
Comment comptez-vous améliorer la situation de l'emploi des personnes avec autisme – de toutes les personnes avec autisme, non seulement de celles à haut potentiel – afin que notre pays ne prenne pas, sur ce sujet, vingt années de retard supplémentaire ? Ne pensez-vous pas que l'État employeur devrait être exemplaire et montrer la voie ?