Madame Pitollat, vous m'interrogez sur la manière dont une personne handicapée peut sortir d'un ESAT pour rejoindre le milieu ordinaire. Qu'il s'agisse d'aller dans une entreprise adaptée ou une entreprise classique, une notification médico-sociale est nécessaire. Dans certaines MDPH, cette notification demande parfois entre huit à neuf mois. Ce blocage est pour nous un sujet de réflexion dans le cadre du travail en vue de la simplification que nous menons avec MM. Taquet et Serres.
L'une des pistes imaginées serait de pouvoir notifier des parcours ; Jean-Yves Hocquet le préconisait déjà il y a sept ans. Il voulait ainsi éviter une évaluation permanente de l'employabilité alors que personne n'évalue la capacité d'une personne valide à travailler dans tel ou tel univers. Les personnes handicapées chercheuses d'emploi subissent ainsi une double peine : elles doivent prouver à la fois l'existence de leur handicap et qu'elles sont employables. Nous devons améliorer notre process, changer notre regard, gagner du temps et faire confiance aux structures et aux professionnels, qui savent comment évaluer les personnes. Les notifications doivent donc être simplifiées, pour permettre une plus grande fluidité.
Cela recouvre des enjeux de financement : fluidifier l'accès au marché du travail suppose de sortir des silos de financement.
Les freins mis au temps partiel font aussi partie des sujets auxquels nous avons demandé à la mission de simplification de réfléchir, car nous souhaitons inciter à la reprise d'un travail. Le dispositif actuel, qui n'est pas incitatif de ce point de vue, doit être mis à plat.
Monsieur Ramadier, l'apprentissage est en effet un levier majeur de l'accès à l'emploi. C'est pourquoi ses spécificités ont fait l'objet d'un travail approfondi dans la concertation qui a entouré la réforme de l'apprentissage. Les entreprises du CNCPH y ont elles aussi contribué.
La métaphore du pissenlit parle d'elle-même. Nous comptons 600 000 personnes adultes affectées d'autisme, qui ne sont pas toutes diagnostiquées. Qu'elles soient dans des établissements, dans des structures ou chez elles, elles ne bénéficient pas d'un accompagnement adapté. Cela fait partie des pistes de travail évoquées lors de la concertation, dont est l'un des cinq axes majeurs est : comment diagnostiquer l'adulte affecté d'autisme et l'accompagner dans son projet professionnel ?
Vous avez raison, il ne faut pas parler de l'autisme, mais des autismes, qui recouvrent un large spectre et, en conséquence, des besoins d'accompagnement spécifiques. Nous ne pourrons pas bâtir une politique en considérant tous les autismes comme un seul et même handicap, alors qu'ils vont des troubles associés à une déficience intellectuelle jusqu'aux Aspergers – totalement sous-employés dans notre pays.
Le projet d'université Aspie-friendly coordonné par l'Université fédérale Toulouse Midi-Pyrénées est un beau levier. Il permettra d'accompagner vers l'emploi, mais surtout dans leur globalité, une cohorte de jeunes autistes Asperger. Cet accompagnement global – logement, vies sociale et professionnelle – est la clé du succès : on ne peut pas « saucissonner » la personne, surtout si elle a des troubles autistiques…
Nous en avons discuté avec le patronat, il nous faut surtout revoir le process de recrutement interne aux entreprises et décloisonner l'esprit des directeurs des ressources humaines (DRH) afin qu'ils fassent du handi-profilage. Si nous souhaitons accélérer et changer l'échelle d'accès des personnes handicapées au travail, il va falloir arrêter d'associer diplômes et offres d'emploi pour penser attestation de compétence et handi-profilage au sein des entreprises, afin que les jeunes handicapés qui arrivent sur le marché du travail et les demandeurs d'emploi – 80 % d'entre eux ont une faible qualification – soient progressivement amenés vers une qualification. On doit repenser les process de recrutement au sein des entreprises !
Le premier défi est celui de la formation des jeunes en école de management : ils doivent être formés à l'accueil de la différence, dans leur processus de recrutement puis de management. Ce n'est actuellement pas le cas. La nouvelle génération doit être formée, pour faire de la diversité une richesse en entreprise.
Les chefs d'entreprise que nous avons rencontrés nous ont expliqué que tout ce qui ne se mesure pas n'est pas efficient. Il faut donc créer des indicateurs de la diversité. Nous disposons de deux véhicules législatifs : le projet de loi PACTE et le projet de loi de sécurisation des parcours professionnels qui sera porté par Muriel Pénicaud. Dans le projet de loi PACTE, nous devons embarquer les entreprises, afin de créer des indicateurs précis. Le mot « handicap » doit apparaître dans les indicateurs de diversité.
Madame Bannier, je vais m'empresser – d'ici la semaine prochaine – de vous adresser une réponse écrite détaillée à la question que vous m'avez posée à propos de ce retraité agricole affilié à la MSA. Sur le principe, il est évident que quelqu'un qui a réussi à accumuler des points par son travail, qui plus est avec un handicap de 80 %, doit se voir proposer une solution pour compenser ce différentiel d'AAH.