Intervention de Emmanuelle Ménard

Séance en hémicycle du jeudi 8 mars 2018 à 15h00
Reconnaissance sociale des aidants — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaEmmanuelle Ménard :

Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le 7 décembre dernier, notre collègue Paul Christophe a soumis à notre vote une proposition de loi visant à étendre le dispositif de don de jours de repos non pris aux aidants familiaux. Cosignataire de cette proposition de loi, j'avais alors dit d'elle qu'elle était « une bonne initiative, de celles que l'on est heureux de voter, [… ] de celles qui vont dans le bon sens, qui collent à la réalité et qui répondent aux besoins des Français » – j'ajouterai aujourd'hui : à leur aspiration à plus de solidarité et à plus d'entraide.

La loi, promulguée le 13 février dernier, a donc créé ce dispositif au bénéfice des proches aidant des personnes en perte d'autonomie ou présentant un handicap. Tout le monde ici ne peut que la saluer.

Aujourd'hui, les députés du groupe GDR veulent apporter leur pierre à l'édifice. Soit ; mais je me demande bien pourquoi ils n'ont pas voté, en décembre dernier, cette proposition que nous étions si nombreux à soutenir par-delà nos différentes couleurs politiques. Le motif avancé était que le texte « ne saurait suffire à répondre aux besoins des aidants », car il ne garantissait pas à ceux-ci de « disposer de tout le temps nécessaire pour accompagner le proche en perte d'autonomie selon ses nécessités ». Vous parliez alors, monsieur le rapporteur, d'une mesure de « dépannage », d'un texte promouvant une solidarité « individuelle et aléatoire » au lieu d'une solidarité « collective et mutualisée ».

Mais revenons à votre proposition d'aujourd'hui. Son article 1er est intéressant. En effet, sans indemnisation, il sera toujours très difficile à un proche aidant de prendre un congé, en tout cas un congé de longue durée, pour porter secours à un proche dépendant, l'assister, le soutenir.

En revanche, je ne peux pas souscrire à l'article 3. Pourquoi opposer quand on peut associer ? Et, dans ce cas précis, pourquoi opposer employés et employeurs ? Car il s'agit bien de cela, quand vous proposez que l'employeur n'ait pas à donner son accord au salarié, notamment pour que celui-ci puisse transformer ses congés en période d'activité à temps partiel. C'est nier la nécessité pour le bon fonctionnement d'une entreprise que l'employeur conserve une visibilité sur l'organisation générale de celle-ci. C'est le contraire du simple bon sens.

De même, votre proposition d'accorder un an de congé par personne aidée, et ce sans aucune limite, est tout simplement déraisonnable. Combien d'années un salarié pourrait-il ainsi rester en disponibilité ? Nul ne le sait. Peut-être serait-il plus judicieux de fixer un nombre d'années maximal sur l'ensemble d'une carrière. Encore une fois, soyons réalistes.

Enfin, je ne vous cache pas que l'alinéa 3 de l'article 4 m'étonne. Vous souhaitez, ni plus ni moins, qu'un décret détermine les critères d'appréciation de la particulière gravité de la perte d'autonomie de la personne prise en charge. Pour ma part, il me semble que c'est aux médecins, et non à l'État, de définir in concreto si une personne est effectivement sujette à une perte d'autonomie ou pas. L'État ne peut pas, ne doit surtout pas se mêler de tout.

Mes chers collègues, la question des aidants familiaux mérite effectivement un certain nombre de réponses qui arrivent tout de même, bien que tardivement, dans notre ordre législatif.

Avant 2015, le congé de soutien familial, renouvelable pendant un an, permettait aux aidants d'arrêter de travailler, certes sans solde, pendant trois mois. La loi du 28 décembre 2015 relative à l'adaptation de la société au vieillissement, assouplie par la loi travail d'août 2016, a marqué une nouvelle avancée. Le 1er janvier 2017, un autre pas a été fait avec l'entrée en vigueur du congé de proche aidant. Autant de mesures qui devraient permettre à tous ceux qui le souhaitent de venir en aide à leurs proches.

Tâchons simplement de ne pas trop charger la barque, si vous me permettez cette expression, au risque de la faire chavirer. N'est-ce pas Montesquieu qui disait : « Le mieux est le mortel ennemi du bien » ? Je vous laisse y réfléchir.

Les seniors ont besoin de nous : il ne faut pas les sacrifier à l'ordre démagogique présent.

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