Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous sommes tous concernés, de près ou de loin, par la dépendance et, plus largement, par la question du soutien ou de l'accompagnement d'un proche, en raison de son âge, de son handicap ou de sa maladie. Nous sommes, avons été ou serons sans doute tous un jour dans cette situation complexe et difficile à vivre, souvent invisible. Je veux vous témoigner ici la gravité et le respect avec lesquels notre groupe aborde cette question.
Nous dénombrons aujourd'hui environ 8 millions de personnes qui aident régulièrement l'un de leurs proches – conjoint, parent ou enfant – en situation de handicap à domicile. La question de la dépendance est une réelle source d'anxiété dans notre société : 78 % de la population redoutent l'arrivée de la dépendance et 48 % craignent d'avoir à s'occuper d'un proche devenu dépendant.
Mais de quoi parle-t-on ? Qui sont les aidants et qui sont les personnes aidées ? S'agissant des aidants, ils correspondent pour beaucoup à la famille proche, c'est-à-dire les parents, les enfants et le conjoint, qui représentent ainsi 80 % des aidants. Près de la moitié d'entre eux exercent une activité professionnelle, nécessitant de notre part une prise en compte de l'impact de leur rôle sur leur situation professionnelle, tandis qu'un tiers sont retraités ou préretraités. Enfin, un tiers des aidants a plus de soixante ans, ce qui signifie qu'ils sont ou seront confrontés à court terme à la problématique du vieillissement. Sociologiquement, les aidants sont présents dans toutes les catégories professionnelles et leurs niveaux de revenus ou de diplômes sont représentatifs de la population générale.
Quant aux personnes aidées, il s'agit pour une moitié de personnes âgées et pour l'autre de personnes handicapées ou malades. De cette distinction et de cette variété des situations découlent des besoins très disparates et la nécessité de mettre en oeuvre des politiques publiques sur différents volets : la prise en charge de la dépendance, l'accompagnement des personnes handicapées et le soutien des familles touchées par la maladie.
Les problèmes actuels liés aux aidants sont nombreux – nous les connaissons. Insuffisamment reconnus, soutenus et informés, ils ont longtemps été les substituts invisibles d'une politique publique insuffisante en matière de soutien aux personnes en perte d'autonomie. Leur reconnaissance s'est faite progressivement. Leur rôle a d'abord été constaté, dans les années 60, par les aidants professionnels du secteur de l'aide à domicile. Les pouvoirs publics ont ensuite mis en place quelques mesures, quoique marginales, dans les années 80. À partir des années 2000, les politiques publiques les intègrent dans leurs stratégies, et ils figurent dans des plans nationaux comme le plan Alzheimer 2001-2005, le plan autisme 2005-2006 ou le plan maladies rares 2005-2008. La loi hôpital, patients, santé et territoires, dite loi HPST, a, par la suite, confié des missions spécifiques à la CNSA s'agissant des aidants : actions de formation, plateformes de répit et d'hébergement temporaire et financement d'actions innovantes.
Une étape supplémentaire a été franchie en 2015 avec la loi relative à l'adaptation de la société au vieillissement, laquelle reconnaît le statut de proche aidant et amorce une politique d'aide aux aidants, en positionnant les départements comme chefs de file du dispositif. Depuis le début de ce quinquennat, plusieurs mesures ont également été prises, comme l'adoption de la proposition de loi du groupe UDI, Agir et indépendants visant à étendre le dispositif de don de jours de repos aux aidants familiaux ou le dispositif du baluchonnage, contenu dans l'article 29 du projet de loi pour un État au service d'une société de confiance. Enfin, les ordonnances relatives au dialogue social offrent un cadre idoine pour que les acteurs trouvent des solutions pragmatiques en matière d'aménagement du temps de travail – demande importante des aidants salariés.
Pour autant, si ces différentes mesures représentent des avancées importantes, elles ne sont pas suffisantes et ne se situent pas dans une stratégie suffisamment vaste et ambitieuse. De ce fait, nous pensons, comme notre collègue Pierre Dharréville et le groupe de la Gauche démocrate et républicaine, qu'il est urgent de mettre en oeuvre une vraie politique publique sur cette question.
S'agissant des personnes handicapées, leur accompagnement doit impérativement évoluer, et c'est tout le sens de la stratégie mise en oeuvre par la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées, Sophie Cluzel, afin de construire des parcours de vie dans une perspective d'inclusion, à chacune des étapes de la vie, en adaptant le milieu dit ordinaire – l'école ou l'entreprise – aux besoins spécifiques de ces personnes, plutôt que de les isoler dans des espaces et des lieux de vie parallèles.
De la même façon, pour les personnes âgées, nous connaissons tous les chiffres et les défis que nous n'avons pas suffisamment anticipés. En 2060, un Français sur trois aura plus de soixante ans. Les situations de perte d'autonomie vont se multiplier, notamment à cause de l'essor des maladies neurodégénératives, comme Alzheimer ou Parkinson, qui touchent aujourd'hui plus de 850 000 personnes dans notre pays.
Nous devons, dès lors, réfléchir à une stratégie d'envergure prenant en compte tous les aspects et les besoins de ces personnes : accompagnement social, médical et économique. Pour citer Pierre Laroque, considéré comme le père de la Sécurité sociale en 1945, …