Intervention de Bertrand Sorre

Séance en hémicycle du jeudi 8 mars 2018 à 15h00
Gratuité des transports scolaires — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBertrand Sorre :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à saluer le travail du rapporteur, notre collègue Alain Bruneel, qui pose une vraie question sur l'égalité des chances de nos enfants. En effet, l'accès à l'école est au coeur des ambitions de ce gouvernement, et nous souhaitons favoriser l'égalité des chances de tous, de la maternelle à l'université en passant par les formations professionnelles. La proposition de loi soumise à notre examen, qui vise à assurer la gratuité des transports scolaires pour tous les enfants inscrits dans les établissements est certes une belle idée. Toutefois, à ce jour, elle se révèle irréalisable, pour divers motifs.

J'entends bien, monsieur le rapporteur, votre argumentation : dans le prolongement d'une école gratuite, il faut des moyens de transport gratuits pour tous les enfants. Vous soulignez que cette mesure tendrait à supprimer toutes les difficultés d'accès à l'école, qui sont très souvent liées au revenu des parents, le coût des transports pour les familles les plus défavorisées étant trop lourd.

Cependant, et c'est le premier motif de rejet de cette proposition, inscrire une telle disposition dans la loi se heurterait au principe de la libre administration des collectivités, principe constitutionnel fort auquel les élus territoriaux sont profondément attachés. De surcroît, la loi NOTRe a transféré la compétence des transports scolaires des départements aux régions nouvellement constituées. Ces dernières, en phase de structuration, ne possèdent pas nécessairement la capacité financière de mettre en place une telle disposition. Elles doivent prendre le temps d'organiser leur service de transports selon l'étendue et les caractéristiques propres à leur territoire. La mobilité est en effet un élément essentiel de cohésion de leur nouveau périmètre géographique.

Ce texte prévoit également que, même si le service de transport est délégué à une autorité organisatrice de second rang, cette compétence resterait gratuite. Dans les deux cas de figure, nous nous heurtons à un problème de financement qui aura pour conséquence une hausse des charges pour les collectivités ; in fine, l'instauration d'une telle gratuité pénaliserait le concitoyen.

Certes, des collectivités ont mis en place la gratuité mais, à ma connaissance, les expérimentations conduites l'ont été à l'échelle des départements, non des régions. D'ailleurs, si des départements ont pu mettre en place cette mesure, cela démontre aussi qu'il n'est pas nécessaire de légiférer. Si les régions souhaitent pérenniser ce dispositif de gratuité, elles en ont déjà la possibilité. En résumé, les laisser libres de définir leur politique de transports, en lien avec les spécificités de leur territoire, c'est aller dans le sens souhaité de la décentralisation et de la libre administration.

Le deuxième motif de rejet de cette proposition tient aux conséquences qu'aurait la gratuité des transports scolaires sur les entreprises, mais aussi, à nouveau, sur les collectivités. En effet, je rappelle que l'ensemble des entreprises publiques ou privées employant au moins onze salariés sont soumises à la taxe dite « versement transport », l'une des sources de financement pouvant être votée par les autorités organisatrices de la mobilité. La gratuité des transports nécessiterait vraisemblablement l'augmentation de cette taxe. Attention, donc, à ne pas accroître lourdement les charges fiscales des entreprises, mais aussi les budgets des collectivités et des services publics, par ce versement transport. Les communes, ainsi que, par exemple, les EHPAD – les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes – , seraient concernés, alors qu'ils connaissent déjà des contraintes budgétaires très fortes.

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