Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous discutons d'une proposition de loi déposée par nos collègues du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, qui relève d'une intention louable. Les transports scolaires sont aujourd'hui le moyen d'accès aux établissements scolaires, donc à l'éducation, pour près de 4 millions d'élèves, dont 2 millions habitent en dehors des agglomérations. La proposition de loi a pour objectif d'atteindre l'égalité de traitement des élèves, en instaurant le principe de gratuité des transports scolaires pour un aller et retour quotidien entre le domicile et l'établissement scolaire. Pour les auteurs de cette proposition de loi, l'école est gratuite et il doit en être de même lorsqu'il s'agit de s'y rendre.
Si le groupe Les Républicains comprend cette volonté, il reste cependant très sceptique quant aux solutions proposées, pour plusieurs raisons.
Depuis le vote de la loi NOTRe, la compétence en matière de transports scolaires a été transférée aux régions. Nous avions alors, je m'en souviens, abondamment discuté de cette question, car la dévolution aux régions n'épuisait pas la question du financement du transport scolaire. La ministre de l'époque, Mme Lebranchu – votre prédécesseur, madame la secrétaire d'État – , avait évacué la question, arguant que les départements qui payaient ce service transféreraient les moyens en même temps que la compétence. On voit bien ce qu'il en est, un peu comme pour la compétence en matière d'eau et d'assainissement : les problèmes qui n'ont pas été réglés lors de la discussion de la loi NOTRe se rappellent à notre bon souvenir, et c'est sans doute là l'une des motivations du texte qui nous est soumis.
Ce transfert de compétence a donc entraîné des conséquences très diverses selon les régions, comme nous l'avons souligné en commission.
Plusieurs orateurs ont évoqué l'exemple de la région Centre-Val de Loire, souvent citée en exemple puisque la gratuité y est appliquée à l'ensemble des transports scolaires, de la maternelle au lycée. Dans la région Grand Est, en revanche – autre exemple, autre région, autre façon de faire – , un seul département sur dix, la Meurthe-et-Moselle, a souhaité conserver la gratuité des transports scolaires.
Cela montre tout d'abord que la gratuité est possible sans que la loi ait besoin de l'imposer. Je tiens à rappeler à cet égard que notre groupe politique est convaincu qu'il faut savoir faire confiance à nos territoires et aux élus locaux. Les initiatives existent sur les territoires et il faut savoir inciter et encourager avant de vouloir imposer de nouvelles contraintes, même si ces dernières procèdent de bonnes intentions – je ne le remets pas en question.
Revenons au cas de la région Grand Est, qui montre que la gratuité n'est peut-être pas toujours faisable. Soyons donc responsables, ne demandons pas l'impossible, car, comme nous le savons, nos collectivités subissent déjà une forte pression budgétaire de la part de l'État, qui les contraint et les empêche d'envisager une dépense aussi lourde.
À titre d'exemple, la gratuité des transports scolaires dans la région Centre-Val de Loire coûte entre 11 millions et 15 millions d'euros par an, bien que les familles continuent à s'acquitter des frais de dossier de 25 euros par an et par élève, avec un plafond de 50 euros par famille : même dans cette région souvent citée en exemple, la gratuité totale n'existe donc pas.
La solution envisagée par les auteurs de la proposition de loi serait une augmentation du versement transport payé par les employeurs des secteurs public et privé qui emploient plus de onze salariés.
Premièrement, sur le principe, notre groupe est fermement opposé à l'augmentation d'une taxe, alors que les Français subissent déjà un matraquage fiscal depuis de nombreuses années et cette année encore.
Deuxièmement, l'évocation d'une possible augmentation de la taxe sur les carburants dans l'exposé de motifs ne nous rassure guère. D'abord, en effet, elle semble quelque peu paradoxale, car elle infligerait indirectement aux usagers une taxe dont on prétend les affranchir ; en outre, elle s'ajouterait à celle que le Gouvernement fait déjà peser sur nos concitoyens.
Même si cette question ne figure pas à proprement parler dans la proposition de loi, il faut rappeler que le versement transport ne pourra, à lui seul, permettre de financer le dispositif proposé. En effet, malgré une augmentation du versement transport au cours de ces dernières années, celui-ci ne permet plus de financer ce à quoi il est destiné : l'investissement et l'exploitation des réseaux de transport. Mes chers collègues, si le versement transport vient à ne plus suffire – ce qui est probable, compte tenu de la situation actuelle – , comment feront les collectivités pour se conformer à l'obligation légale que nous aurons créée ? Le dispositif proposé ne nous paraît donc pas être une solution viable.
D'une manière plus générale, il faut être vigilants quand nous parlons de gratuité, car rien n'est jamais gratuit – le contribuable ne le sait que trop bien.
Par ailleurs, je crois nous devons nous interroger : les services doivent-ils toujours être gratuits ? Pour ma part, je suis convaincue que le fait de participer financièrement au fonctionnement d'un service est important, même s'il s'agit d'une participation symbolique. C'est une question de responsabilité, qui vaut tant pour les usagers que pour ceux qui proposent le service. C'est un principe auquel notre groupe politique a toujours été très attaché.
Néanmoins, en considérant les nombreuses difficultés auxquelles font face certains de nos concitoyens, rien ne nous interdit de réfléchir à une évolution de certains dispositifs.
Je pense ici, bien sûr, aux familles les plus modestes. Les élus locaux ont déployé toutes sortes de dispositifs pour leur venir en aide, qu'il s'agisse de payer la cantine, les voyages à l'étranger ou même le transport.
Je pense aussi aux 2 millions d'élèves vivant hors agglomération qui empruntent les transports scolaires. Ces derniers sont essentiels dans les territoires ruraux, car souvent, pour des raisons professionnelles, les parents ne peuvent pas conduire leurs enfants à l'école, surtout quand celle du village a fermé, ou au collège, lorsque celui-ci est situé, comme c'est fréquemment le cas, dans une autre commune.
Je pense également aux apprentis, qui devraient avoir accès aux transports scolaires. C'est une idée que défend notre groupe : avant de parler de gratuité, il s'agirait d'une première étape, car ce n'est pas automatique à ce jour.
Voilà, mes chers collègues, des points concrets sur lesquels notre groupe politique pense que l'on peut avancer et proposer des solutions à nos concitoyens.
Cependant, pour toutes les raisons que j'ai exprimées, nous ne pouvons souscrire à la solution proposée par le groupe GDR et nous nous opposerons donc à cette proposition de loi.